Pendant la dernière semaine de juin, la France a connu des températures inédites. Est-ce que cet événement était prévisible ?
Ça dépend de ce qu’on entend par "prévisible". Si on parle de prévision météorologique, c’est-à-dire qu’on essaie de savoir le temps qu’il va faire à un moment donné, elles sont limitées à quelques jours. Mais si on parle de projections climatiques, le temps qu’il peut faire à un moment donné, oui : les modèles climatiques nous permettent de prévoir avec un bon niveau de confiance le temps qu’il peut faire maintenant et au moins jusqu’à la moitié du siècle.
Dans le cas de la canicule de juin 2019, par exemple : la température maximale a atteint 35 °C à Paris le samedi 29. C’est une température assez rare dans la capitale : elle n’a été atteinte que 13 jours entre 1980 et 2010 dont 8 pendant la canicule de 2003. Si on analyse les résultats du modèle climatique de Météo France, par exemple, on s’aperçoit qu’il est déjà 5 fois plus probable de dépasser ce seuil. Et à la fin du XXIe les 35 °C pourraient être atteints ou dépassés plus de 10 jours par an à Paris.
C’est une évolution impressionnante, mais en quoi ce type d’information peut-elle être utile à une entreprise ?
Toutes les entreprises dépendent de la météo d’une façon ou d’une autre. Si le climat change, ce sont les hypothèses sur lesquelles l’activité est basée qui changent : sécurité des installations, disponibilité des ressources, tarifs d’assurance, dimensionnement des machines notamment de leur refroidissement, rendement des cultures… Même productivité des salariés comme l’a montré récemment l’OIT.
Nous n’en avons pas conscience, car sans le dire nous supposons encore souvent que le climat est stable. Mais en réalité, le climat des 10 ou 20 dernières années n’est déjà plus celui d’aujourd’hui et encore moins celui des prochaines décennies. Prendre des décisions en s’appuyant sur notre expérience ou sur des données météorologiques passées, c’est aussi risqué que baser sa stratégie d’entreprise sur des données techniques ou économiques du siècle dernier.
Au contraire, les projections climatiques permettent de prendre en compte non pas le climat passé, mais les climats futurs possibles sur la durée de vie d’un projet ou d’une décision d’entreprise. Dans les secteurs très exposés aux aléas du climat comme l’agroalimentaire, l’assurance ou l’électricité, il est déjà clair que l’accès à ces données et la capacité à les utiliser va être une question de vie ou de mort pour les entreprises.
Pourtant peu d’entreprises intègrent les effets du changement climatique dans leurs processus de décision, pourquoi ?
Prenons un exemple. Si on revient à la canicule de juin, quelques semaines plus tôt elle aurait échaudé le blé et la récolte 2019aurait été en grande partie détruite. Imaginons que vous êtes une grande chaîne de boulangerie et que vous vouliez évaluer le risque que vos fournisseurs se trouvent dans cette situation ce qui pourrait menacer votre propre activité. Pour commencer, il va vous falloir accéder aux résultats des modèles climatiques, ces données sont largement publiques, mais cela ne signifie pas qu’elles sont faciles à obtenir et à manipuler : les fichiers sont très lourds et utilisent des formats qu’aucun logiciel grand public ne peut ouvrir. Et puis il existe des centaines de projections, lesquelles choisir ? Pourquoi ?
Deuxième problème : si vous avez réussi à accéder aux données, ce seront typiquement des séries de températures avec un pas de temps quotidien. Ce n’est pas ce que vous cherchez. Il faut relier cette variable à l’indicateur concret qui intéresse l’entreprise, dans le cas du risque d’échaudage on pourra par exemple évaluer la probabilité que la température dépasse 25 °C entre mi-mai et mi-juin sur les régions céréalières où notre boulanger s’approvisionne.
Enfin, une fois qu’on a la donnée et une méthode de calcul, il faut encore avoir la puissance de calcul nécessaire : on parle souvent de plusieurs millions de points de données.
Même si la prise de conscience du risque climatique progresse rapidement dans me monde économique, très peu d’entreprises ont les moyens pour mener une telle évaluation. Elles restent donc souvent limitées à des études bibliographiques et très qualitatives. C’est dommage : avec un peu de data science et d’intelligence artificielle, il est possible de rendre l’exploitation des données climatiques beaucoup plus souple et plus opérationnelle.
Propos recueillis en partenariat avec Communication Sans Frontières
Ça dépend de ce qu’on entend par "prévisible". Si on parle de prévision météorologique, c’est-à-dire qu’on essaie de savoir le temps qu’il va faire à un moment donné, elles sont limitées à quelques jours. Mais si on parle de projections climatiques, le temps qu’il peut faire à un moment donné, oui : les modèles climatiques nous permettent de prévoir avec un bon niveau de confiance le temps qu’il peut faire maintenant et au moins jusqu’à la moitié du siècle.
Dans le cas de la canicule de juin 2019, par exemple : la température maximale a atteint 35 °C à Paris le samedi 29. C’est une température assez rare dans la capitale : elle n’a été atteinte que 13 jours entre 1980 et 2010 dont 8 pendant la canicule de 2003. Si on analyse les résultats du modèle climatique de Météo France, par exemple, on s’aperçoit qu’il est déjà 5 fois plus probable de dépasser ce seuil. Et à la fin du XXIe les 35 °C pourraient être atteints ou dépassés plus de 10 jours par an à Paris.
C’est une évolution impressionnante, mais en quoi ce type d’information peut-elle être utile à une entreprise ?
Toutes les entreprises dépendent de la météo d’une façon ou d’une autre. Si le climat change, ce sont les hypothèses sur lesquelles l’activité est basée qui changent : sécurité des installations, disponibilité des ressources, tarifs d’assurance, dimensionnement des machines notamment de leur refroidissement, rendement des cultures… Même productivité des salariés comme l’a montré récemment l’OIT.
Nous n’en avons pas conscience, car sans le dire nous supposons encore souvent que le climat est stable. Mais en réalité, le climat des 10 ou 20 dernières années n’est déjà plus celui d’aujourd’hui et encore moins celui des prochaines décennies. Prendre des décisions en s’appuyant sur notre expérience ou sur des données météorologiques passées, c’est aussi risqué que baser sa stratégie d’entreprise sur des données techniques ou économiques du siècle dernier.
Au contraire, les projections climatiques permettent de prendre en compte non pas le climat passé, mais les climats futurs possibles sur la durée de vie d’un projet ou d’une décision d’entreprise. Dans les secteurs très exposés aux aléas du climat comme l’agroalimentaire, l’assurance ou l’électricité, il est déjà clair que l’accès à ces données et la capacité à les utiliser va être une question de vie ou de mort pour les entreprises.
Pourtant peu d’entreprises intègrent les effets du changement climatique dans leurs processus de décision, pourquoi ?
Prenons un exemple. Si on revient à la canicule de juin, quelques semaines plus tôt elle aurait échaudé le blé et la récolte 2019aurait été en grande partie détruite. Imaginons que vous êtes une grande chaîne de boulangerie et que vous vouliez évaluer le risque que vos fournisseurs se trouvent dans cette situation ce qui pourrait menacer votre propre activité. Pour commencer, il va vous falloir accéder aux résultats des modèles climatiques, ces données sont largement publiques, mais cela ne signifie pas qu’elles sont faciles à obtenir et à manipuler : les fichiers sont très lourds et utilisent des formats qu’aucun logiciel grand public ne peut ouvrir. Et puis il existe des centaines de projections, lesquelles choisir ? Pourquoi ?
Deuxième problème : si vous avez réussi à accéder aux données, ce seront typiquement des séries de températures avec un pas de temps quotidien. Ce n’est pas ce que vous cherchez. Il faut relier cette variable à l’indicateur concret qui intéresse l’entreprise, dans le cas du risque d’échaudage on pourra par exemple évaluer la probabilité que la température dépasse 25 °C entre mi-mai et mi-juin sur les régions céréalières où notre boulanger s’approvisionne.
Enfin, une fois qu’on a la donnée et une méthode de calcul, il faut encore avoir la puissance de calcul nécessaire : on parle souvent de plusieurs millions de points de données.
Même si la prise de conscience du risque climatique progresse rapidement dans me monde économique, très peu d’entreprises ont les moyens pour mener une telle évaluation. Elles restent donc souvent limitées à des études bibliographiques et très qualitatives. C’est dommage : avec un peu de data science et d’intelligence artificielle, il est possible de rendre l’exploitation des données climatiques beaucoup plus souple et plus opérationnelle.
Propos recueillis en partenariat avec Communication Sans Frontières