La fenêtre d'opportunité pour réformer l'EU ETS se fermera très prochainement avec la conclusion du trilogue de négociations entre le Parlement, le Conseil et la Commission européenne. I4CE - Institut pour l'économie du climat - et Enerdata, en collaboration avec IFP Energies nouvelles (IFPEN), démontrent, dans un nouveau rapport, que la réforme du système européen d'échange de quotas (EU ETS), au vu des propositions du Conseil et du Parlement, ne sera pas suffisante pour soutenir la décarbonation des secteurs industriels et énergétiques européens à l'horizon 2030.
Intitulé « EU ETS - Dernier appel avant la fermeture des portes des négociations pour la réforme post-2020 », le rapport fournit une évaluation complète des propositions de révision de la directive EU ETS votées par les institutions européennes en février 2017. Il analyse les réductions de gaz à effet de serre (GES), le coût des abattements requis, le fonctionnement de la Réserve de Stabilité de Marché et le mécanisme d'allocation de quotas carbone gratuits pour les industries. Par ailleurs, le rapport examine les conséquences du Brexit sur l'EU ETS et l'éventuelle introduction d'un corridor de prix du CO2 sur l'EU ETS.
Le rapport démontre que :
1 - Les propositions de réforme, avancées par le Parlement et le Conseil, ne suffiront pas à faire de l'EU ETS un moteur de la décarbonation des secteurs de l'industrie et de l'énergie dans l'UE pendant sa phase IV (2021-2030).
Les réductions d'émissions de GES venant des politiques d'énergie renouvelable et d'efficacité énergétique suffiront à respecter à elles seules l'objectif de l'EU ETS.
Malgré le doublement du taux de retrait pendant les premières années de son fonctionnement, la Réserve de Stabilité de Marché (MSR) ne parviendra pas à neutraliser l'effet des interactions des politiques d'énergie renouvelable et d'efficacité énergétique sur l'EU ETS.
2 - Toutefois, sur le long terme, l'EU ETS requiert des réductions d'émissions significatives.
L'EU ETS aujourd'hui n'est aligné que sur la trajectoire la moins ambitieuse de la politique climatique de long terme de l'UE. Or, à terme, celle-ci devrait être revue pour intégrer les objectifs plus ambitieux de l'Accord de Paris.
Seule l'anticipation des objectifs de long terme permettra de mettre en place une trajectoire de décarbonation durable et politiquement acceptable.
Dans ce contexte, instaurer un corridor de prix carbone européen serait une solution au manque d'anticipation des opérateurs et permettrait d'anticiper les réductions d'émissions de GES nécessaires.
3 - Une éventuelle sortie du Royaume-Uni de l'EU ETS ajoute à l'incertitude actuelle autour de la révision de la directive ETS. En cas de Brexit, une attention particulière devra être accordée à l'adaptation du plafond des émissions et des paramètres de la MSR.
4 - L'allocation gratuite pour prévenir les risques de fuite de carbone[1] dans les secteurs industriels est un point focal des négociations de la réforme EU ETS.
Les propositions du Conseil et du Parlement entraîneront probablement le recours à un facteur de correction trans-sectoriel (CSCF[2]) en fin de phase IV, sous des hypothèses conservatrices pour la réduction des benchmarks dans les secteurs principaux couverts par l'EU ETS - raffinage, ciment, aluminium, acier. Ce facteur permet d'ajuster le nombre de quotas gratuits pour les industriels éligibles au niveau du plafond européen.
La quantification des paramètres impactant la demande et l'offre de quotas gratuits permet d'évaluer comment éviter le recours au CSCF, sans oublier que l'allocation gratuite doit rester un outil provisoire.
En cas d'harmonisation dans l'EU ETS de la compensation des coûts indirects dans les secteurs électro-intensifs, près de 24 % des volumes d'enchères seraient requis pour compenser les coûts indirects dans les principaux secteurs éligibles.