C’est le cri d’alarme qui nous est lancé.
Aurions-nous déjà dépassé le seuil de l’irréparable, soit la limite au-delà de laquelle des dynamiques corrélées entre elles se renforcent et rendent le réchauffement planétaire à la fois exponentiel et incontrôlable ?
Ainsi, la fonte des glaces polaires en Arctique va entraîner le Gulf Stream et l’ensemble des courants océaniques à ralentir, puis à s’arrêter.
La fonte du permafrost ou pergélisol en Russie relâchera 100 gigatonnes de gaz carbonique dans l’atmosphère, les forêts boréales vont s’enflammer, les barrières de corail du Pacifique vont mourir, et si la déforestation en Amazonie se poursuit au même rythme, il n’y aura plus de régulateur assez puissant pour enrayer l’effet domino.
C’est ce que semble indiquer le résultat de l’étude dirigée par Lendon de l’université d’Exeter (Grande-Bretagne) et publiée le 27 novembre 2019 dans la revue scientifique américaine Nature.
Prenant appui sur les travaux de Morin sur « les systèmes complexes, aux variables interdépendantes » que sont nos sociétés, les collapsologues et collapsonautes (1)(2)(3) parlent de « civilisation thermo-industrielle ».
En effet, d’un point de vue agroalimentaire, toute notre production agricole est liée au pétrole.
Tracteurs et engins utilisés dans les champs fonctionnent au pétrole, récoltes acheminées par camion vers des usines où celles-ci sont transformées pour être transportées (par camions) vers les hypermarchés, où les consommateurs viennent (en véhicules) les acheter, puis les transforment de nouveau en utilisant des énergies non renouvelables (cuisson au gaz). Ainsi, face à l’accroissement démographique, les modes de production industrielle et agricole se (sur)développent et les moyens de transport se (sur)déploient dans une volonté de répondre à l’exponentialité de la demande en énergie.
Ce modèle économique de croissance infinie dans un monde de ressources finies mis en place lors des Trente glorieuses consiste en une chaîne logistique terriblement énergivore. Notre civilisation est donc thermique.
Réchauffement climatique, hausse des niveaux des océans, augmentation des fréquences des événements météorologiques extrêmes (ouragans, typhons, etc.) inondations, extensions des zones arides, niveau des réserves d’eau potable, extinction des espèces animales ou encore pollution des sols et des océans….
De l’aveu des scientifiques les plus aguerris, personne ne sait, aujourd’hui, le taux de dioxyde de carbone que nous pouvons continuer à rejeter dans l’atmosphère sans déclencher un cataclysme irréversible.
La quantité de déchets et de poisons toxiques que nous déversons dans l’environnement modifie la structure même des sols, de l’eau et de l’atmosphère.
De plus, nous prélevons toujours davantage de ressource (4).
Tous ces risques de catastrophes planétaires sont de nature systémique.
Permaculture, essor de l’agriculture urbaine, retour vers la terre, vers les campagnes, vers le jardinage, création de coopératives et d’écolieux sont des propositions avancées permettant d’imaginer un autre mode d’approvisionnement en nourriture fondé sur des circuits courts, travail manuel, savoirs partagés, recherche d’une relative autonomie et sobriété, etc.
Politiques vertes, taxation des émissions carbones ou encore règles plus contraignantes en matière d’environnement, réduction des subventions aux industries polluantes, incitations au passage aux énergies renouvelables, projet de recherche et développement au profit de technologie révolutionnaires, création d’instances à légitimité mondiale faisant autorité (5), sont autant de propositions génératrices d’ordre et de puissance et concomitamment de désordre et d’impuissance par suite de l’incongruence des moyens mis en œuvre dans le but d’harmoniser les deux types d’intervention attendus.
Une bombe atomique est une menace évidente et immédiate que nul ne peut ignorer. Le réchauffement climatique est une menace plus diffuse. Ainsi, ordre et puissance s’appliquent pour certains pays, comme la Russie, qui pourraient bien en tirer profit. Celle-ci, ayant moins d’actifs côtiers, a en effet moins à craindre de l’élévation du niveau des mers que la Chine. De plus, les axes maritimes de l’Arctique sous domination russe pourraient devenir l’artère du commerce mondial, et ce grâce à la fonte des glaces du Grand Nord. Ou encore, le Groenland qui pourrait voir se construire deux aéroports internationaux et trois régionaux.
Désordre et impuissance s’appliquent tout en même temps pour ce même Arctique, zone fragile où s’épanouit un écosystème unique, clairement menacé par ces activités industrielles et commerciales, en plein essor.
Ordre et puissance pour la Chine, le Japon et la Corée du Sud, à forte dépendance en importation de quantité de pétrole et de gaz qui pourraient être séduits de se débarrasser de ce type d’énergies. L’Iran, l’Arabie Saoudite et la Russie, grands exportateurs d’énergies fossiles verraient alors leurs économies s’effondrer si le solaire et l’éolien prenaient le relais…
Ainsi, le remplacement des carburants fossiles par de l’énergie renouvelable génère des conflits d’intérêts entre les transports ou l’aménagement du territoire, des amalgames d’intérêts entre pollueurs et dépollueurs…
En 1972, dans un rapport intitulé « Les limites à la croissance dans un monde fini » plus connu sous le nom de « Rapport Meadows », un groupe de chercheur en dynamique des systèmes du Massachusetts Institute of Technology (MIT) parmi lesquels Dennis et Donella Meadows, avaient été invités à concevoir un modèle informatique permettant de prévoir l’évolution des principaux paramètres globaux, comme la démographie, la production industrielle, la pollution ou la production de nourriture. En entrant toutes les données connues dans le modèle et en faisant tourner celui-ci, ils sont arrivés à un résultat qui les a beaucoup surpris : à partir de 2030, la population humaine devrait décroître de manière incontrôlée, sur fond de crise généralisée.
Il s’avère, que de 1972 à nos jours, toutes les tendances prévues par ce modèle se sont remarquablement vérifiées.
Effondrement de nos « fausses » certitudes, et omniprésence des incertitudes…
Dès lors, nous voilà, inéluctablement, sommés de modifier nos modes de fonctionnements.
Cette prise de conscience installée nous propose une nouvelle trajectoire.
Ann Defrenne-Parent
ENTRORGER
Aurions-nous déjà dépassé le seuil de l’irréparable, soit la limite au-delà de laquelle des dynamiques corrélées entre elles se renforcent et rendent le réchauffement planétaire à la fois exponentiel et incontrôlable ?
Ainsi, la fonte des glaces polaires en Arctique va entraîner le Gulf Stream et l’ensemble des courants océaniques à ralentir, puis à s’arrêter.
La fonte du permafrost ou pergélisol en Russie relâchera 100 gigatonnes de gaz carbonique dans l’atmosphère, les forêts boréales vont s’enflammer, les barrières de corail du Pacifique vont mourir, et si la déforestation en Amazonie se poursuit au même rythme, il n’y aura plus de régulateur assez puissant pour enrayer l’effet domino.
C’est ce que semble indiquer le résultat de l’étude dirigée par Lendon de l’université d’Exeter (Grande-Bretagne) et publiée le 27 novembre 2019 dans la revue scientifique américaine Nature.
Prenant appui sur les travaux de Morin sur « les systèmes complexes, aux variables interdépendantes » que sont nos sociétés, les collapsologues et collapsonautes (1)(2)(3) parlent de « civilisation thermo-industrielle ».
En effet, d’un point de vue agroalimentaire, toute notre production agricole est liée au pétrole.
Tracteurs et engins utilisés dans les champs fonctionnent au pétrole, récoltes acheminées par camion vers des usines où celles-ci sont transformées pour être transportées (par camions) vers les hypermarchés, où les consommateurs viennent (en véhicules) les acheter, puis les transforment de nouveau en utilisant des énergies non renouvelables (cuisson au gaz). Ainsi, face à l’accroissement démographique, les modes de production industrielle et agricole se (sur)développent et les moyens de transport se (sur)déploient dans une volonté de répondre à l’exponentialité de la demande en énergie.
Ce modèle économique de croissance infinie dans un monde de ressources finies mis en place lors des Trente glorieuses consiste en une chaîne logistique terriblement énergivore. Notre civilisation est donc thermique.
Réchauffement climatique, hausse des niveaux des océans, augmentation des fréquences des événements météorologiques extrêmes (ouragans, typhons, etc.) inondations, extensions des zones arides, niveau des réserves d’eau potable, extinction des espèces animales ou encore pollution des sols et des océans….
De l’aveu des scientifiques les plus aguerris, personne ne sait, aujourd’hui, le taux de dioxyde de carbone que nous pouvons continuer à rejeter dans l’atmosphère sans déclencher un cataclysme irréversible.
La quantité de déchets et de poisons toxiques que nous déversons dans l’environnement modifie la structure même des sols, de l’eau et de l’atmosphère.
De plus, nous prélevons toujours davantage de ressource (4).
Tous ces risques de catastrophes planétaires sont de nature systémique.
Permaculture, essor de l’agriculture urbaine, retour vers la terre, vers les campagnes, vers le jardinage, création de coopératives et d’écolieux sont des propositions avancées permettant d’imaginer un autre mode d’approvisionnement en nourriture fondé sur des circuits courts, travail manuel, savoirs partagés, recherche d’une relative autonomie et sobriété, etc.
Politiques vertes, taxation des émissions carbones ou encore règles plus contraignantes en matière d’environnement, réduction des subventions aux industries polluantes, incitations au passage aux énergies renouvelables, projet de recherche et développement au profit de technologie révolutionnaires, création d’instances à légitimité mondiale faisant autorité (5), sont autant de propositions génératrices d’ordre et de puissance et concomitamment de désordre et d’impuissance par suite de l’incongruence des moyens mis en œuvre dans le but d’harmoniser les deux types d’intervention attendus.
Une bombe atomique est une menace évidente et immédiate que nul ne peut ignorer. Le réchauffement climatique est une menace plus diffuse. Ainsi, ordre et puissance s’appliquent pour certains pays, comme la Russie, qui pourraient bien en tirer profit. Celle-ci, ayant moins d’actifs côtiers, a en effet moins à craindre de l’élévation du niveau des mers que la Chine. De plus, les axes maritimes de l’Arctique sous domination russe pourraient devenir l’artère du commerce mondial, et ce grâce à la fonte des glaces du Grand Nord. Ou encore, le Groenland qui pourrait voir se construire deux aéroports internationaux et trois régionaux.
Désordre et impuissance s’appliquent tout en même temps pour ce même Arctique, zone fragile où s’épanouit un écosystème unique, clairement menacé par ces activités industrielles et commerciales, en plein essor.
Ordre et puissance pour la Chine, le Japon et la Corée du Sud, à forte dépendance en importation de quantité de pétrole et de gaz qui pourraient être séduits de se débarrasser de ce type d’énergies. L’Iran, l’Arabie Saoudite et la Russie, grands exportateurs d’énergies fossiles verraient alors leurs économies s’effondrer si le solaire et l’éolien prenaient le relais…
Ainsi, le remplacement des carburants fossiles par de l’énergie renouvelable génère des conflits d’intérêts entre les transports ou l’aménagement du territoire, des amalgames d’intérêts entre pollueurs et dépollueurs…
En 1972, dans un rapport intitulé « Les limites à la croissance dans un monde fini » plus connu sous le nom de « Rapport Meadows », un groupe de chercheur en dynamique des systèmes du Massachusetts Institute of Technology (MIT) parmi lesquels Dennis et Donella Meadows, avaient été invités à concevoir un modèle informatique permettant de prévoir l’évolution des principaux paramètres globaux, comme la démographie, la production industrielle, la pollution ou la production de nourriture. En entrant toutes les données connues dans le modèle et en faisant tourner celui-ci, ils sont arrivés à un résultat qui les a beaucoup surpris : à partir de 2030, la population humaine devrait décroître de manière incontrôlée, sur fond de crise généralisée.
Il s’avère, que de 1972 à nos jours, toutes les tendances prévues par ce modèle se sont remarquablement vérifiées.
Effondrement de nos « fausses » certitudes, et omniprésence des incertitudes…
Dès lors, nous voilà, inéluctablement, sommés de modifier nos modes de fonctionnements.
Cette prise de conscience installée nous propose une nouvelle trajectoire.
Ann Defrenne-Parent
ENTRORGER
(1) Pablo Servigne, ingénieur agronome et docteur en biologie, et Raphaël Stevens, expert en résilience des systèmes socio-écologiques créent le terme de Collapsologie, en France, en 2015.
Ce terme forgé du latin collapsus, « qui est tombé d’un seul bloc » et sur le grec logos, « discours rationnel ».
Ce nouveau domaine du savoir transdisciplinaire, consiste donc d’agréger toutes les données fiables que nous possédons quant à l’évolution actuelle des écosystèmes terrestres, afin d’anticiper les catastrophes qui surviendront au cours de ce siècle et de préparer des réponses, à la fois agronomiques, technologiques, sociales et politiques.
(2) SERVIGNE P., STEVENS R., Comment tout peut s’effondrer . Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes, Seuil, 2015
(3) De collapsologue à collapsonaute. Les premiers s’attachent à la rationalité du discours scientifique, les seconds sont des navigateurs de l’effondrement. Quand les premiers voient l’effondrement à l’extérieur — l’ensemble social et politique—, les seconds font l’expérience intérieure.
Le réseau collapso
— Un magazine Yggdrasil, mook, lancé en juin 2019 – l’Arbre Monde de la mythologie nordique – dont l’objectif est de de rassembler les collapso autour d’un périodique où se mêlent chronique politique, guide de compostage et reportage sur l’aubépine ;
— Un groupe Facebook d’analyse « transition 2030 », le cœur numérique sur lequel ils partagent analyses scientifiques et données de l’effondrement ;
— Un Think-tank, l’Institut Momentum, fondé par Agnès, Sinaï en 2011, il produit des diagnostics et des analyses sur la fin de la société industrielle.
— Un groupe Facebook de soutien « La collapso heureuse » réparti en dizaines de sous-groupes régionaux dont l’objectif est d’apporter un regard apaisé sur l’effondrement.
(4) Pour des exemples saisissants cf. Absol Vidéos, « L’effondrement de notre civilisation industrielle », YouTube.com, 19 août 2019 (480 000 vues deux semaines après la mise en ligne). https://youtu.be/K01MnnOV-u4..
(5) L’ONU, l’OMS, l’OMC, l’Unicef, l’UNESCO, etc. bénéficient d’une légitimité mondiale qui fait autorité. Pourquoi ne pas créer l’OME Organisation Mondiale de l’Environnement ? Telle était la question soulevée à l’occasion du sommet de Madrid, le 3 décembre 2019.