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Adélaïde Leon, Audrey Richard et Thierry Villac : "Devenir DRH"

04/05/2022





Adélaïde Leon, Audrey Richard et Thierry Villac, vous évoquez dans votre ouvrage « Devenir DRH », le parcours d’un professionnel RH depuis sa décision d’entrer dans le métier à sa sortie. Pouvez-vous nous dresser le portrait de ce parcours ?

Nous avons pris le parti de commencer ce parcours avant même l’entrée en fonction, en aidant le futur DRH à se projeter vers le poste et l’écosystème qui lui conviendront le mieux. En effet, selon la stratégie de l’entreprise, ou le cycle de vie qu’elle connaît, les attendus seront très différents. Il s’agit donc pour le futur DRH de cerner le profil qui est le sien et l’environnement qui lui convient, pour commencer dans les meilleures conditions et au plus près de la réalité.

Un moment clef est l’étape du recrutement où on peut évaluer la qualité de contact avec le DG avant de dire « oui », car il est essentiel pour le DRH de constituer un binôme harmonieux avec lui.
Les conseils sur la prise de poste, et les erreurs à ne pas commettre ont bien sûr une place importante dans notre livre.

Ensuite viennent plusieurs défis qui jalonnent le parcours du DRH, et pour lesquels celui-ci doit être préparé, qu’il s’agisse de la gestion de conflits sociaux, de négociation, de la transformation digitale, de la contribution à la stratégie ou à la performance globale.

Enfin le DRH va devoir tenir dans la durée, parfois rebondir, et aussi se protéger, car être DRH est un rôle exposé. Nous abordons ainsi les risques psychosociaux qui le concernent directement, et bien sûr les parades pour y faire face. Nous réservons aussi un chapitre au sujet de l’évaluation de la performance du DRH, qui est plus difficile à objectiver que pour d’autres dirigeants.
 
Parmi les conseils très concrets qui sont proposés, lequel selon vous est le plus pertinent ?
  • Au moment de la prise de poste, plusieurs DRH insistent sur le fait qu’il faut éviter de se précipiter dans l’action ou les décisions, et préconisent plutôt le « Go Slow ». Bien sûr des sujets urgents peuvent émerger, mais le DRH devra prendre le temps pour observer et se faire une première idée des enjeux et appréhender son environnement.
     
  • Compte tenu de l’exigence de la fonction et des risques psychosociaux auxquels il est exposé, le DRH doit autant s’occuper de lui que des collaborateurs et ne pas rester isolé. Il trouvera de la reconnaissance, du soutien, et des réponses à ses questions et ses doutes en participant, à l’extérieur de l’entreprise, à des groupes de pairs ou à des instances professionnelles. Il ne devra pas hésiter non plus à faire appel à des experts sur certains sujets clés et s’appuyer sur son équipe, pour ne pas tout porter tout seul.
 
Dans un contexte de profonde mutation de la relation au travail et à l’entreprise, quels sont les questionnements que rencontre le DRH aujourd’hui ? 

Aujourd’hui, il arrive que des entreprises soient en difficulté par pénurie de main-d’œuvre. C’est donc un enjeu vital pour le DRH de savoir comment attirer, fidéliser et susciter l’engagement des salariés, car sans cet engagement on ne peut garantir la performance de l’entreprise.

Dans un contexte d’incertitude, le DRH peut à juste titre se demander comment il va accompagner la stratégie. Pour cela, il doit concilier le temps court, en faisant preuve d’agilité et en alignant les compétences pour ne pas retarder la capacité de production, et le temps long, en anticipant les compétences de demain, par le recrutement et la formation.

On peut aussi se questionner sur les effets à long terme des nouvelles formes de travail, comme le télétravail ou le travail hybride : peut-on imaginer des collaborateurs passer la plus grande partie de leur temps de travail chez eux entre quatre murs, sans qu’il n’y ait des impacts psychologiques, des conséquences sur la mixité, l’esprit coopératif, le sentiment d’appartenance…. L’enjeu est de recréer le collectif au travail, de proposer une nouvelle forme d’organisation du travail avec de nouvelles compétences managériales notamment basées sur l’autonomie, la confiance, la culture du feedback. Le DRH a donc tout son rôle dans ces adaptations qui vont également passer par le lieu de travail qu’il faut réinventer.
 
Le travail est-il devenu un mot tabou ? Ou comment le concevez-vous pour l’avenir ? 

Dire que le travail est devenu tabou reviendrait à établir une généralité et à nier la diversité des situations.

Ce qui est certain, c’est que l’entreprise d’hier procurait un environnement stable, dans lequel les collaborateurs restaient plusieurs années. L’entreprise contribuait donc à structurer les jeunes, à les sociabiliser, et leur permettait de se construire une identité professionnelle.

Aujourd’hui tout bouge, les jeunes commencent à travailler avec des contrats qui ne sont pas toujours des CDI, et ils ont du mal à se projeter dans leur travail. L’entreprise, et en particulier le DRH se doivent de les accompagner, de les aider à s’inclure dans un collectif, de leur insuffler des valeurs comme le vivre ensemble.

Un autre sujet est l’importance accordée par les nouvelles générations à l’éthique d’entreprise et à la responsabilité sociétale d’une entreprise, notamment au moment de choisir un employeur. Dans ce cas, l’attractivité pour le travail que propose une entreprise est indissociable de ces notions. Les DRH sont très conscients de ces réactions d’attractivité ou de rejet qui peuvent s’exprimer lors des entretiens de recrutement.
 
En guise de conclusion, nous ferons une remarque sur le choix de la sémantique : le mot travail est souvent associé à l’effort, et ne véhicule pas de notion de motivation. La notion de contribution réussit à exprimer l’élan, la motivation du collaborateur, et finalement le sens qu’il donne à son travail.

Adélaïde Leon, Audrey Richard et Thierry Villac : "Devenir DRH"
Adélaïde LEON est consultante et coach. Elle intervient dans les domaines du conseil en management et RH, et accompagne les individus et les entreprises dans les périodes à forts enjeux. Certifiée par l’IGS, elle a dirigé des départements RH, qualité et clients au sein de groupes internationaux. Elle a co-publié « 50 épisodes managériaux ».

Audrey RICHARD est Directrice des Ressources Humaines du Groupe Up qu’elle accompagne au quotidien dans sa transformation et le développement de ses collaborateurs. Auparavant, elle a occupé cette fonction dans des entreprises du secteur public ou privé, en France ainsi qu’à l’international. Elle est Présidente de l’ANDRH et veille notamment à la reconnaissance du métier de DRH.

Thierry VILLAC est psychologue clinicien et consultant RH. Il intervient dans des missions d’évaluation et de développement des potentiels, et a développé une expertise dans les problématiques liées au stress. Il est diplômé de l’EDHEC Business School, et a co-publié « 50 épisodes managériaux ».