Une ressource bien plus en danger que l’énergie
Concernant l’énergie, les débats ne portent pas tant sur son accessibilité que sur les moyens de son obtention. Et bien que la consommation des énergies fossiles nous rapproche un peu plus chaque jour de leur épuisement, le pic pétrolier n’est pas pour demain. Les nouvelles méthodes de forage, bien qu’écologiquement très discutables, ont déjà repoussé l’échéance de plusieurs décennies, sans compter naturellement les réserves encore inconnues ou pour l’instant inexploitables. Les limites et les risques du nucléaire sont clairement identifiés. Mais autant il est possible de se passer d’énergie électrique, même si nous trouverions cela très inconfortable, autant l’eau est une ressource vitale, menacée par le réchauffement climatique. « Il ne fait pas de doute que parmi les nombreux défis du développement durable, l’accès à l’eau figure parmi les plus cruciaux, tant la ressource est vitale. La dimension environnementale du défi est évidente : il s’agit de préserver une ressource menacée non pas tant d’épuisement que de détérioration de sa qualité »(1).
La France ne fait pas partie des pays les plus concernés par le manque d’eau, mais la survenue d’épisodes de sécheresse n’est plus aussi anecdotique qu’auparavant (2). Les conséquences sur l’approvisionnement en eau seront inévitables, et nous vivons déjà dans certaines régions de France des restrictions d’usage durant certaines périodes de l’année : « ces évolutions climatiques conduisent à des diminutions des ressources en eau disponibles. Les incertitudes restent cependant très fortes sur les baisses effectives à attendre. A l’horizon 2050 (période 2045-2065), elles pourraient par exemple atteindre de 10 à 40 % pour les débits moyens annuels »(3). 40% en moins sur le débit d’un fleuve comme le Rhône entraineraient de fâcheuses conséquences pour l’industrie, l’agriculture et même la production électrique : les usines comme les centrales nécessitent de l’eau en abondance pour le refroidissement, même si cette eau n’est pas à proprement parler « consommée ».
Certes la consommation d’eau va avoir tendance à baisser, notamment du fait d’une meilleure prise en compte de la nécessité de protéger cette ressource, mais aussi parce que son prix a augmenté : les gros utilisateurs d’eau cherchent à optimiser son utilisation pour diminuer les coûts. De plus, le rendement des installations de transport d’eau augmente : les pertes d’eau diminuent, ce qui pourrait représenter à terme 600 millions de m3 d’eau économisés (4). Les particuliers ont également une consommation plus raisonnée, mais la démographie française atténuera cet effet de baisse au final. Là encore, des déséquilibres vont s’accentuer avec des régions dont la demande en eau va continuer à fortement augmenter (régions agricoles et touristiques notamment) (5).
La France ne fait pas partie des pays les plus concernés par le manque d’eau, mais la survenue d’épisodes de sécheresse n’est plus aussi anecdotique qu’auparavant (2). Les conséquences sur l’approvisionnement en eau seront inévitables, et nous vivons déjà dans certaines régions de France des restrictions d’usage durant certaines périodes de l’année : « ces évolutions climatiques conduisent à des diminutions des ressources en eau disponibles. Les incertitudes restent cependant très fortes sur les baisses effectives à attendre. A l’horizon 2050 (période 2045-2065), elles pourraient par exemple atteindre de 10 à 40 % pour les débits moyens annuels »(3). 40% en moins sur le débit d’un fleuve comme le Rhône entraineraient de fâcheuses conséquences pour l’industrie, l’agriculture et même la production électrique : les usines comme les centrales nécessitent de l’eau en abondance pour le refroidissement, même si cette eau n’est pas à proprement parler « consommée ».
Certes la consommation d’eau va avoir tendance à baisser, notamment du fait d’une meilleure prise en compte de la nécessité de protéger cette ressource, mais aussi parce que son prix a augmenté : les gros utilisateurs d’eau cherchent à optimiser son utilisation pour diminuer les coûts. De plus, le rendement des installations de transport d’eau augmente : les pertes d’eau diminuent, ce qui pourrait représenter à terme 600 millions de m3 d’eau économisés (4). Les particuliers ont également une consommation plus raisonnée, mais la démographie française atténuera cet effet de baisse au final. Là encore, des déséquilibres vont s’accentuer avec des régions dont la demande en eau va continuer à fortement augmenter (régions agricoles et touristiques notamment) (5).
Des solutions à mettre en place
Des solutions alternatives commencent à émerger, comme la récupération systématique et la réutilisation des eaux de pluies dans l’industrie : « une solution alternative pour les usages industriels ou d’irrigation, mais qui requière une vigilance accrue pour les usages domestiques » (6). Mais il s’agit de pratiques marginales, qu’il est difficile voire impossible de développer à grande échelle : ce qui est valable pour un village de campagne ne l’est pas forcément pour une ville. Les villes de moins de 50 000 habitants sont d’ailleurs les plus mal loties en équipements de traitement et d’acheminement des eaux, avec la plupart du temps des réseaux anciens, pour ne dire vétustes et donc, parfois, dangereux pour la santé publique.
La France n’est pas véritablement en retard sur les questions du traitement de l’eau, mais c’est maintenant que va se décider l’avenir en la matière. Issues d’un véritable élan national d’accès à l’eau potable dans les années 1960, les infrastructures de transport et de traitement de l’eau vieillissent. Parfois elles contreviennent même aux normes sanitaires, comme dans le cas des canalisations soudées au plomb. La moitié des réseaux a plus de quarante ans, et ceux-ci sont constitués de matériaux qui ne dépassent pas une centaine d’année de durée de vie, au mieux.
Les travaux sont déjà en cours mais à une cadence deux fois inférieure à celle nécessaire au renouvellement théorique des réseaux (7). Mais « au-delà du financement du « petit cycle de l’eau » (captage, traitement, transport de l’eau potable, récupération, et dépollution des eaux usées), les élus de la ville du futur doivent penser au financement du « grand cycle de l’eau » [les écosystèmes complets] », comme le souligne Maurice Ouzoulias, Président du Syndicat Interdépartemental pour l’Assainissement de l’Agglomération parisienne (8). L’eau est une problématique globale dont les enjeux dépassent le seul cadre des réseaux d’approvisionnement.
Nos Ministères, de l’Écologie à la Recherche en passant par le Redressement Productif, vont avoir à plancher rapidement sur des solutions : les problématiques de l’eau concernent naturellement l’environnement, mais elles influencent aussi le développement économique (9). Il existe déjà des pistes applicables à l’ensemble du territoire, comme la généralisation des compteurs d’eau individuels, qui permettent de noter immédiatement une diminution de la consommation d’eau. Une tarification graduelle en fonction des revenus est également possible. Elle pourrait s’appliquer directement au niveau des factures, sur le modèle des « tarifs d’électricité solidaires » ou prendre la forme d’aides reversées, suivant le principe de l’allocation logement. Des progrès techniques sont par ailleurs possibles dans le domaine du retraitement des eaux usées ou de la désalinisation de l’eau de mer, mais ils vont nécessiter des efforts de recherche et du temps.
L’eau n’est pas sur le point de manquer en France, mais les quantités disponibles et sa qualité sont deux paramètres qu’il faudra surveiller avec soin dans les années à venir. « La gestion de l’eau doit intégrer la préservation de l’environnement et de la qualité de l’eau, dans un contexte de rareté de la ressource de plus en plus fréquent. Prendre en compte l’impact de l’activité humaine sur l’équilibre des écosystèmes et de la biodiversité devient indispensable et constitue un enjeu financier important pour les services de l’eau » (10). Des solutions sont d’ores et déjà envisageables pour limiter l’influence des aléas climatiques et progresser dans le domaine du développement durable. Mais tout cela va nécessiter des investissements. Nous pouvons faire le choix de retarder ces décisions et de nous retrouver au pied du mur dans vingt ans, quand ce choix n’existera plus. Ou nous pouvons entamer maintenant les travaux qui permettront de préserver les écosystèmes existants, de pérenniser notre système d’approvisionnement en eau et de créer de l’emploi et de la croissance.
Bonne nouvelle, toutefois : lors du dernier salon Pollutec qui s’est tenu à Lyon en novembre 2012, Arnaud Montebourg et Delphine Batho investissaient le Cosei (Comité stratégique de filière pour les éco-industries) d’une nouvelle mission : réfléchir au « développement de positions de leadership sur les nouveaux marchés de l'eau (réseaux d'eau intelligents, mesures de la pollution de l'eau en continu), et soutien à l'innovation ». La France qui a tant besoin d’une véritable stratégie industrielle pourrait trouver dans le secteur de l’eau un sujet équivalent au Nucléaire ou au TGV permettant d’impulser une dynamique économique créatrice d’emploi. Dont acte !
La France n’est pas véritablement en retard sur les questions du traitement de l’eau, mais c’est maintenant que va se décider l’avenir en la matière. Issues d’un véritable élan national d’accès à l’eau potable dans les années 1960, les infrastructures de transport et de traitement de l’eau vieillissent. Parfois elles contreviennent même aux normes sanitaires, comme dans le cas des canalisations soudées au plomb. La moitié des réseaux a plus de quarante ans, et ceux-ci sont constitués de matériaux qui ne dépassent pas une centaine d’année de durée de vie, au mieux.
Les travaux sont déjà en cours mais à une cadence deux fois inférieure à celle nécessaire au renouvellement théorique des réseaux (7). Mais « au-delà du financement du « petit cycle de l’eau » (captage, traitement, transport de l’eau potable, récupération, et dépollution des eaux usées), les élus de la ville du futur doivent penser au financement du « grand cycle de l’eau » [les écosystèmes complets] », comme le souligne Maurice Ouzoulias, Président du Syndicat Interdépartemental pour l’Assainissement de l’Agglomération parisienne (8). L’eau est une problématique globale dont les enjeux dépassent le seul cadre des réseaux d’approvisionnement.
Nos Ministères, de l’Écologie à la Recherche en passant par le Redressement Productif, vont avoir à plancher rapidement sur des solutions : les problématiques de l’eau concernent naturellement l’environnement, mais elles influencent aussi le développement économique (9). Il existe déjà des pistes applicables à l’ensemble du territoire, comme la généralisation des compteurs d’eau individuels, qui permettent de noter immédiatement une diminution de la consommation d’eau. Une tarification graduelle en fonction des revenus est également possible. Elle pourrait s’appliquer directement au niveau des factures, sur le modèle des « tarifs d’électricité solidaires » ou prendre la forme d’aides reversées, suivant le principe de l’allocation logement. Des progrès techniques sont par ailleurs possibles dans le domaine du retraitement des eaux usées ou de la désalinisation de l’eau de mer, mais ils vont nécessiter des efforts de recherche et du temps.
L’eau n’est pas sur le point de manquer en France, mais les quantités disponibles et sa qualité sont deux paramètres qu’il faudra surveiller avec soin dans les années à venir. « La gestion de l’eau doit intégrer la préservation de l’environnement et de la qualité de l’eau, dans un contexte de rareté de la ressource de plus en plus fréquent. Prendre en compte l’impact de l’activité humaine sur l’équilibre des écosystèmes et de la biodiversité devient indispensable et constitue un enjeu financier important pour les services de l’eau » (10). Des solutions sont d’ores et déjà envisageables pour limiter l’influence des aléas climatiques et progresser dans le domaine du développement durable. Mais tout cela va nécessiter des investissements. Nous pouvons faire le choix de retarder ces décisions et de nous retrouver au pied du mur dans vingt ans, quand ce choix n’existera plus. Ou nous pouvons entamer maintenant les travaux qui permettront de préserver les écosystèmes existants, de pérenniser notre système d’approvisionnement en eau et de créer de l’emploi et de la croissance.
Bonne nouvelle, toutefois : lors du dernier salon Pollutec qui s’est tenu à Lyon en novembre 2012, Arnaud Montebourg et Delphine Batho investissaient le Cosei (Comité stratégique de filière pour les éco-industries) d’une nouvelle mission : réfléchir au « développement de positions de leadership sur les nouveaux marchés de l'eau (réseaux d'eau intelligents, mesures de la pollution de l'eau en continu), et soutien à l'innovation ». La France qui a tant besoin d’une véritable stratégie industrielle pourrait trouver dans le secteur de l’eau un sujet équivalent au Nucléaire ou au TGV permettant d’impulser une dynamique économique créatrice d’emploi. Dont acte !
Notes
[1] « La bonne gestion de l’eau : un enjeu majeur du développement durable», Cairn.info, octobre 2012
[2] « Les risques stratégiques de la gestion quantitatives de l'eau en France et les perspectives d'adaptation à 2030 », Centre d’Analyse Stratégique, avril 2013.
[3] « Ressources et besoins en eau en France à l’horizon 2030 », Centre d’Analyse Stratégique, septembre 2012
[4] « La France n'est pas à l'abri des problèmes d'eau », Le Figaro, 13 mars 2012
[5] « La consommation d'eau en France : historique, tendances contemporaines, déterminants », Cairn.info, janvier 2013
[6] « Récupérer l’eau de pluie: une solution écologique à manier avec précaution », Le Blog de l'Eau, 11 Aout 2011.
[7] « Le renouvellement du patrimoine en canalisations d'eau potable en France », Canalisateurs de France, juin 2002.
[8] « L’eau dans la ville du XXIème siècle : un enjeu environnemental et social », Le Blog de l'Eau, 07 novembre 2011.
[9] « La bonne gestion de l’eau : un enjeu majeur du développement durable», Cairn.info, octobre 2012
[10] « Comment améliorer la soutenabilité de la tarification de l'eau pour les ménages ? », Centre d’Analyse Stratégique, avril 2013.
[2] « Les risques stratégiques de la gestion quantitatives de l'eau en France et les perspectives d'adaptation à 2030 », Centre d’Analyse Stratégique, avril 2013.
[3] « Ressources et besoins en eau en France à l’horizon 2030 », Centre d’Analyse Stratégique, septembre 2012
[4] « La France n'est pas à l'abri des problèmes d'eau », Le Figaro, 13 mars 2012
[5] « La consommation d'eau en France : historique, tendances contemporaines, déterminants », Cairn.info, janvier 2013
[6] « Récupérer l’eau de pluie: une solution écologique à manier avec précaution », Le Blog de l'Eau, 11 Aout 2011.
[7] « Le renouvellement du patrimoine en canalisations d'eau potable en France », Canalisateurs de France, juin 2002.
[8] « L’eau dans la ville du XXIème siècle : un enjeu environnemental et social », Le Blog de l'Eau, 07 novembre 2011.
[9] « La bonne gestion de l’eau : un enjeu majeur du développement durable», Cairn.info, octobre 2012
[10] « Comment améliorer la soutenabilité de la tarification de l'eau pour les ménages ? », Centre d’Analyse Stratégique, avril 2013.