Quelles conclusions peut-on tirer de l'étude publiée récemment par B&L Evolution ?
Sylvain Boucherand : L’étude avait pour objectif de décortiquer les politiques Biodiversité de nos plus grands groupes pour identifier leurs forces, mais aussi les points de progrès. Ce qu’on peut retenir c’est d’une part que le sujet de la biodiversité progresse dans le monde de l’entreprise, mais que, d’autre part, il est encore très peu traité comme élément structurant de la stratégie générale de l’entreprise. En effet, l’analyse de la dépendance d’une activité à la biodiversité et aux services écosystémiques reste rare et n’est pas vue comme permettant de gérer les risques à court et long termes pour l’entreprise.
Nous avons pu également observer un manque de formalisme dans les démarches ainsi que d’outils de management. Cela dit, certaines entreprises ont compris la nécessité de s’engager et de progresser sur le sujet, montrant ainsi l’exemple. Je pense que les démarches vont maintenant s’amorcer progressivement.
Nous avons pu également observer un manque de formalisme dans les démarches ainsi que d’outils de management. Cela dit, certaines entreprises ont compris la nécessité de s’engager et de progresser sur le sujet, montrant ainsi l’exemple. Je pense que les démarches vont maintenant s’amorcer progressivement.
Comment expliquez-vous que certaines industries, telles que l’agroalimentaire, occupent la première place ? Une politique biodiversité est-elle plus légitime/souhaitable pour certains secteurs que pour d’autres ?
L’analyse que j’en fais est que l’agroalimentaire est une industrie en prise directe avec la biodiversité. La totalité de ce que nous mangeons ou buvons est issue du monde vivant. Il doit sembler plus naturel pour les entreprises du secteur de se préoccuper de ce qui produit leurs matières premières. C’est en grande partie l’agriculture qui a façonné les paysages que nous avons aujourd’hui et on entend parler ici ou là des impacts de nos modes d’agriculture sur les abeilles par exemple. Ainsi, ces entreprises se sont sans doute senties plus concernées.
Pour ce qui est des plus mauvais élèves, j’imagine que comme les liens avec les écosystèmes sont peut-être plus indirects et peut-être également les faibles pressions des parties prenantes sur ce sujet – pour le moment – n’ont pas incité les entreprises à s’engager. Cela dit, il serait intéressant de mener un travail d’identification des facteurs d’engagement des entreprises ce qui permettrait de mieux comprendre ces disparités entre secteurs.
Pour ce qui est des plus mauvais élèves, j’imagine que comme les liens avec les écosystèmes sont peut-être plus indirects et peut-être également les faibles pressions des parties prenantes sur ce sujet – pour le moment – n’ont pas incité les entreprises à s’engager. Cela dit, il serait intéressant de mener un travail d’identification des facteurs d’engagement des entreprises ce qui permettrait de mieux comprendre ces disparités entre secteurs.
Y a-t-il dans les entreprises une méconnaissance des enjeux liés à la biodiversité ?
Clairement ! On sent bien dans les rapports RSE que les connaissances sont encore fragiles, et encore il s’agit de personnes que l’on peut qualifier de sensibilisées. Je crains que si l’on interrogeait des dirigeants d’entreprises pris au hasard, ils n’éprouvent quelques difficultés à identifier les risques et opportunités qu’offre la biodiversité pour leur entreprise – j’en reviens notamment à la notion de dépendance aux écosystèmes évoquée précédemment. Pour nuancer, le questionnement des entreprises sur ce thème reste relativement récent, on peut donc espérer que la mise en place d’action de formation des employés et un travail au plus haut niveau stratégique de l’entreprise pourraient rapidement mobiliser les collaborateurs.
La création de l’Agence française pour la biodiversité prévue pour 2015 aura-t-elle une influence positive sur les entreprises ?
La création de l’Agence a au moins le mérite de faire parler du sujet et de montrer la volonté d’engagement des pouvoirs publics pour mener des actions efficaces pour diminuer l’érosion de la biodiversité. Le texte actuel est assez novateur sur certains sujets, comme le biomimétisme ou l’aménagement du territoire et on peut saluer l’initiative de fusionner des organismes existants (même si l’on peut regretter l’absence de l’ONCFS). Cependant, les moyens financiers annoncés sont en deçà des préconisations faites l’an passé par les 2 préfigurateurs et surtout l’entreprise est la grande absente des missions confiées à la future Agence…
Quelle évolution peut-on espérer sur le long terme ?
Sur le long terme, je me surprends à espérer que les entreprises prennent en compte à leur juste mesure les enjeux liés à l’érosion de la biodiversité. Pour cela, il leur faudra travailler sur les indépendances à la biodiversité de l’ensemble de la chaine de valeur, ce qui permettra de repenser complètement leurs produits et services pour une plus grande compatibilité environnementale. Il sera également nécessaire d’innover, en s’inspirant de la nature pour aller vers des business models plus durables ; comme l’économie de fonctionnalité ou l’économie circulaire. Il y a énormément d’opportunités à saisir pour les entreprises, et comme dirais Bernard Chevassus-au-Louis [spécialiste français de la biodiversité et de la biologie moléculaire, NDLR] « La biodiversité c’est maintenant ».