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Ordre et puissance de l’information, dispensatrice de pouvoir.
Ainsi, Google, Facebook, Twitter, Yahoo, Baidu semblent avoir pris comme modèle économique d’être des « marchands d’attention » ? (1)
Scandale de Cambridge Analytica, Communication préférentielle et présidentielle de Trump par Twitter, Fake news…
La question posée est de savoir si ces entreprises, dont certaines, cotées en bourse et incarnant un capitalisme cognitif devenu plus puissant que bien des Etats, devenues quasi service public, sauront gérer les responsabilités mondiales que leur confèrent leur quasi-monopole. Ou encore : comment règlementer la propriété des data ? Ou encore, comment concilier les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ?
Et tout en même temps, tous ces bouleversements posent la question démocratique de la capacité des peuples à se réapproprier leur histoire, à réoccuper le centre de la décision comme sujets de leur propre destin. Sont-ils, comme le dit Badiou au sens propre du terme « une remise en marche de l’histoire par une mise en cause de l’ordre du monde » ? (2)
De plus, si l’on accepte de définir la communication comme une responsabilité réciproque, il est de plus en plus évident que les mass media fabriquent de la non-communication.
Ils provoquent l’isolement face à une parole sans réponse (3). Issus de la puissance de développement des plus récentes technologies (internet, blogs, wikis, etc.), ils créent, dès lors, l’impuissance et le désordre quant à la réception, l’analyse, la compréhension, l’utilisation, la transmission des messages. Au lieu d’être partenaire, le récepteur devient consommateur d’instantanés. Et ce, allant jusqu’au tautisme (4).
Au nom de l’urgence promue au rang d’idéologie, ces brouillages débouchent sur une désorientation spatio-temporelle, un vécu de stress, la perte des échelles et des perspectives, des repères et des distances (5). Sans oublier les questions relatives au cryptage des données, au contrôle sur les mouvements financiers internationaux, aux manipulations d’images, à l’absence d’indicateurs de contrôle social dans le courrier électronique, aux coûts de propagation et de stockage des informations…
En effet, conjointement au souci d’informer efficacement, dans un laps de temps qui ne fait que se raccourcir, les mass media superposent au réel des intermédiaires-écrans caractérisés par une saisie séquentielle des données et une force émotive croissante. Ces écrans fracturent le temps en segments dont la succession est, à l’évidence, non linéaire et dont les visions rétroactives disloquent l’agencement traditionnel du temps.
Les informations sont prisonnières du défilement des temporalités qui leur est imposé. Elles se livrent par à-coups, libérées selon le bon plaisir de l’homme et acquièrent, de ce fait, des significations incertaines, sans cesse renouvelées. Démesure entre le nombre possible de séquences de la réalité et la pauvreté des points de vue dévoilés. Disproportion entre la durée globale de toutes les saisies de la réalité mises bout à bout et le temps disponible pour les visionner.
Paradoxe : de plus en plus de solitude dans un monde de plus en plus connecté, un « état d’isolement collectif » (6) que confère l’impact du numérique et des nouvelles technologies sur notre civilisation et notre existence.
Ann Defrenne-Parent
ENTRORGER
(1) WU T., The Attention Merchants, New York, Alfred A, Knopf, 2016.
(2) BADIOU A., Trump, Paris, PUF, 2020.
(3) BAUDRILLARD J., Pour une critique de l’économie politique du signe, Paris, Gallimard, 1972.
(4) Lucien SFEZ créé ce néologisme (contraction de tautologie et autisme) pour désigner une pathologie sociale relevant de la dépendance du sujet à l’égard de nouvelles techniques et de la multiplication des sources qui génèrent, par la redondance de leurs contenus et le filtrage (chambre d’écho, bulle de filtres), un enfermement et un automatisme qui consiste à prendre la représentation de la réalité pour son expression.
(5) CHESNAUX J., Modernité - monde, Paris, La Découverte, 1989.
(6) SADIN E., L’ère de l’individu tyran : la fin d’un monde commun , Paris, Grasset, 2020.
Ainsi, Google, Facebook, Twitter, Yahoo, Baidu semblent avoir pris comme modèle économique d’être des « marchands d’attention » ? (1)
Scandale de Cambridge Analytica, Communication préférentielle et présidentielle de Trump par Twitter, Fake news…
La question posée est de savoir si ces entreprises, dont certaines, cotées en bourse et incarnant un capitalisme cognitif devenu plus puissant que bien des Etats, devenues quasi service public, sauront gérer les responsabilités mondiales que leur confèrent leur quasi-monopole. Ou encore : comment règlementer la propriété des data ? Ou encore, comment concilier les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ?
Et tout en même temps, tous ces bouleversements posent la question démocratique de la capacité des peuples à se réapproprier leur histoire, à réoccuper le centre de la décision comme sujets de leur propre destin. Sont-ils, comme le dit Badiou au sens propre du terme « une remise en marche de l’histoire par une mise en cause de l’ordre du monde » ? (2)
De plus, si l’on accepte de définir la communication comme une responsabilité réciproque, il est de plus en plus évident que les mass media fabriquent de la non-communication.
Ils provoquent l’isolement face à une parole sans réponse (3). Issus de la puissance de développement des plus récentes technologies (internet, blogs, wikis, etc.), ils créent, dès lors, l’impuissance et le désordre quant à la réception, l’analyse, la compréhension, l’utilisation, la transmission des messages. Au lieu d’être partenaire, le récepteur devient consommateur d’instantanés. Et ce, allant jusqu’au tautisme (4).
Au nom de l’urgence promue au rang d’idéologie, ces brouillages débouchent sur une désorientation spatio-temporelle, un vécu de stress, la perte des échelles et des perspectives, des repères et des distances (5). Sans oublier les questions relatives au cryptage des données, au contrôle sur les mouvements financiers internationaux, aux manipulations d’images, à l’absence d’indicateurs de contrôle social dans le courrier électronique, aux coûts de propagation et de stockage des informations…
En effet, conjointement au souci d’informer efficacement, dans un laps de temps qui ne fait que se raccourcir, les mass media superposent au réel des intermédiaires-écrans caractérisés par une saisie séquentielle des données et une force émotive croissante. Ces écrans fracturent le temps en segments dont la succession est, à l’évidence, non linéaire et dont les visions rétroactives disloquent l’agencement traditionnel du temps.
Les informations sont prisonnières du défilement des temporalités qui leur est imposé. Elles se livrent par à-coups, libérées selon le bon plaisir de l’homme et acquièrent, de ce fait, des significations incertaines, sans cesse renouvelées. Démesure entre le nombre possible de séquences de la réalité et la pauvreté des points de vue dévoilés. Disproportion entre la durée globale de toutes les saisies de la réalité mises bout à bout et le temps disponible pour les visionner.
Paradoxe : de plus en plus de solitude dans un monde de plus en plus connecté, un « état d’isolement collectif » (6) que confère l’impact du numérique et des nouvelles technologies sur notre civilisation et notre existence.
Ann Defrenne-Parent
ENTRORGER
(1) WU T., The Attention Merchants, New York, Alfred A, Knopf, 2016.
(2) BADIOU A., Trump, Paris, PUF, 2020.
(3) BAUDRILLARD J., Pour une critique de l’économie politique du signe, Paris, Gallimard, 1972.
(4) Lucien SFEZ créé ce néologisme (contraction de tautologie et autisme) pour désigner une pathologie sociale relevant de la dépendance du sujet à l’égard de nouvelles techniques et de la multiplication des sources qui génèrent, par la redondance de leurs contenus et le filtrage (chambre d’écho, bulle de filtres), un enfermement et un automatisme qui consiste à prendre la représentation de la réalité pour son expression.
(5) CHESNAUX J., Modernité - monde, Paris, La Découverte, 1989.
(6) SADIN E., L’ère de l’individu tyran : la fin d’un monde commun , Paris, Grasset, 2020.