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Le 6 juillet 2018, le président Emmanuel Macron accueille à Paris l’émir du Qatar, Cheikh Tamim Ben Hamad al-Thani. Une rencontre discrète, la troisième en moins d’un an, qui fait suite à la visite du président français à Doha en décembre 2017, marquée par la signature de très gros contrats avec des industriels français — et pas seulement dans le secteur militaire ou aéronautique, mais aussi dans les transports urbains (concession du métro de Doha au consortium français Sncf-Keolis) et l’ingénierie environnementale (dépollution des sols des lagons d’Al Karaana confiée à Suez)…
En effet, les relations commerciales entre le Qatar et la France se renforcent. Après une hausse de 30 % en un an, les échanges avec le Qatar atteignent 2,7 milliards d’euros en 2017. Est-ce seulement un succès pour la diplomatie économique française ? Certes. Mais c’est aussi le signe que de grandes entreprises de l’hexagone sont en bonne position pour accompagner le Qatar dans sa volonté de mise en valeur de l’environnement et des énergies renouvelables. Car l’économie du Qatar fait montre d’un certain volontarisme en matière de transition énergétique, une stratégie amorcée dès la fin des années 90, et qui commence à porter ses fruits.
Sortir de la dépendance aux énergies fossiles
Dans le cadre du Qatar National Vision 2030, un plan de diversification de l’économie a été validé en 2008 et lancé officiellement en 2011 pour préparer l’avenir du pays, sans rester tributaire des exportations du gaz et du pétrole. Le Qatar dispose en effet de réserves gazières gigantesques — les plus grandes réserves de gaz naturel au monde, derrière la Russie et l’Iran. Plus de 75 % de ses revenus sont issus de l’exportation des hydrocarbures, en particulier de gaz naturel liquéfié dont il est le premier exportateur mondial. Pour autant, non seulement ces réserves ne sont pas inépuisables (même si le « peak oil » apparaît de plus en plus lointain), mais de surcroît les fluctuations des cours représentent un aléa trop important pour les recettes de l’État, notamment en raison de la volonté de l’Arabie saoudite qui entreprend à intervalles réguliers de faire chuter les prix pour affaiblir le rival iranien.
Le Qatar a donc logiquement opté pour la diversification de son économie. Dans cette optique, les investissements à l’étranger dans les banques, les médias, le sport, l’agriculture, le luxe et l’industrie ont été lancés par le fonds souverain Qatar Investment Authority (QIA). Parmi les priorités de ces investissements : les technologies environnementales, les énergies renouvelables et les modes de transport durables. Le défi est ambitieux pour l’émirat, puisque le pays est aujourd’hui classé au 66e rang mondial en termes d’émissions de CO2.
L’État qatari s’est ainsi emparé de cette question à bras-le-corps et a annoncé en mars dernier un plan quinquennal destiné à améliorer ses performances en la matière. Au cœur de cette stratégie nationale de développement pour 2018-2022 : l’ambition de « rationaliser la consommation d’énergie et encourager le développement des énergies renouvelables, tout en augmentant le niveau d’autosuffisance pour l’agriculture et pour la pêche » (1). Du côté de la production d’énergie, en particulier, c’est sur l’énergie solaire que le Qatar est le plus avancé, compte tenu de conditions propices dans le pays.
Miser sur l’énergie solaire
Les objectifs affichés sont de satisfaire près d’un quart de la demande énergétique par des sources d’énergies renouvelables d’ici 2030 et de dessaler l’eau à 80 % par l’énergie solaire. Cette politique d’investissement résolument tournée vers la protection de l’environnement et le développement durable, on le sait moins, est même inscrite dans la constitution du pays : « l’Etat œuvre pour la protection de l’environnement et de son équilibre naturel afin d’assurer un développement global et durable pour les générations futures ».
Dès 2014, Doha s’est doté de la plus grande centrale d’énergie solaire du Moyen-Orient, Qatar Solar Energy (QSE). Le Qatar a l’ambition d’être l’un des leaders de ce secteur en pleine expansion. Salim Abbassi, directeur général de QSE, déclarait lors de l’inauguration : « Qatar Solar Energy a pour ambition de démocratiser les énergies renouvelables en proposant des solutions respectueuses de l’environnement, dans un monde où ces défis deviennent urgents. En réduisant les coûts, notre technologie donnera aux entreprises et aux particuliers les moyens d’obtenir de l’électricité à un prix raisonnable, aussi bien dans les pays développés que sur les marchés émergents ». Précisant l’axe de développement de son groupe, il ajoutait « qu’il s’agit d’une étape importante pour le Qatar et prouve que la région peut se placer à la pointe d’une industrie qui assurera de manière durable les générations futures en énergies renouvelables » (2).
Depuis, les efforts se sont amplifiés. La compagnie générale de l’électricité et des eaux du Qatar, Kahramaa (Qatar Electricity and Water Company), soutient par exemple un programme national de mise en valeur de projets écocompatibles. Baptisé « Tarchid » (« Orientation » en arabe), il vise à fédérer des initiatives, innovations ou projets qui ont pour point commun la préservation de l’environnement. Dans le même esprit, Kahramaa s’est jointe à Qatar Petroleum (QP) pour lancer le plus grand projet de production d’énergie solaire du pays. L’ambition des deux groupes est que ce parc produise à court terme, en 2020, environ 200 Mégawatts d’énergie tout en offrant la possibilité de s’étendre pour atteindre dans une autre phase la barre des 5000 MW. À titre de comparaison, cela représente la production électrique d’environ trois réacteurs nucléaires de type EPR.
Promotion du tourisme durable
Derrière cette stratégie volontariste, il y a non seulement pour le Qatar des enjeux d’image sur la scène internationale, mais aussi des questions d’attractivité touristique. Le Qatar se concentre ainsi sur le développement du tourisme sportif et culturel. L’accueil en 2022 de la coupe du monde de football sera la première grande échéance du pays pour prouver son engagement sur ce terrain. Cet événement constitue un aiguillon efficace pour tous les acteurs impliqués — y compris le groupe Vinci chargé de réaliser les douze stades, entièrement climatisés et fonctionnant à l’énergie solaire. À la demande de la FIFA, 60 000 chambres d’hôtel seront construites. Le pays compte recevoir 3,7 millions de visiteurs en 2022, contre 2,8 en 2014. D’ici 2030, les autorités qataries envisagent même d’accueillir jusqu’à 7 millions de visiteurs ! La Qatar Tourism Authority (QTA), l’agence gouvernementale chargée de la promotion du Qatar à travers le monde, a d’ailleurs engagé en octobre 2017 « un plan destiné à placer l’émirat comme nouveau hub touristique régional », avec un fort accent sur le tourisme durable (3).
Six zones géographiques ont été identifiées pour en faire des vecteurs de la promotion du tourisme dans le pays. Les thématiques ne manquent pas pour ce petit pays qui veut séduire les touristes du monde entier : des plages de sable fin paradisiaques, le site archéologique de Zubara, les bivouacs dans le désert, le folklore bédouin… De nombreux chantiers d’aménagement ont été lancés dans tout le pays pour mettre en valeur ce qui peut l’être. C’est ainsi que Suez a par exemple remporté, fin 2017, un contrat emblématique de cette volonté d’améliorer et de préserver l’environnement : pas moins de 400 ha à dépolluer et à réhabiliter d’ici mi-2020 avec des technologies de pointe, dans les lagons d’Al Karaana, au sud-ouest de Doha (4).
(1) https://fr.reuters.com/article/frEuroRpt/idFRL8N1QW65M
(2) https://www.observatoire-qatar.com/economie/item/183-qatar-solar-energy-doha-se-dote-de-la-plus-grande-centrale-d-energie-solaire-du-moyen-orient
(3) https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/comment-le-qatar-compte-booster-son-tourisme-en-l-espace-de-cinq-ans-764711.html
(4) https://investir.lesechos.fr/actions/actualites/suez-le-contrat-de-depollution-au-qatar-atteint-107-mlns-1725913.php
En effet, les relations commerciales entre le Qatar et la France se renforcent. Après une hausse de 30 % en un an, les échanges avec le Qatar atteignent 2,7 milliards d’euros en 2017. Est-ce seulement un succès pour la diplomatie économique française ? Certes. Mais c’est aussi le signe que de grandes entreprises de l’hexagone sont en bonne position pour accompagner le Qatar dans sa volonté de mise en valeur de l’environnement et des énergies renouvelables. Car l’économie du Qatar fait montre d’un certain volontarisme en matière de transition énergétique, une stratégie amorcée dès la fin des années 90, et qui commence à porter ses fruits.
Sortir de la dépendance aux énergies fossiles
Dans le cadre du Qatar National Vision 2030, un plan de diversification de l’économie a été validé en 2008 et lancé officiellement en 2011 pour préparer l’avenir du pays, sans rester tributaire des exportations du gaz et du pétrole. Le Qatar dispose en effet de réserves gazières gigantesques — les plus grandes réserves de gaz naturel au monde, derrière la Russie et l’Iran. Plus de 75 % de ses revenus sont issus de l’exportation des hydrocarbures, en particulier de gaz naturel liquéfié dont il est le premier exportateur mondial. Pour autant, non seulement ces réserves ne sont pas inépuisables (même si le « peak oil » apparaît de plus en plus lointain), mais de surcroît les fluctuations des cours représentent un aléa trop important pour les recettes de l’État, notamment en raison de la volonté de l’Arabie saoudite qui entreprend à intervalles réguliers de faire chuter les prix pour affaiblir le rival iranien.
Le Qatar a donc logiquement opté pour la diversification de son économie. Dans cette optique, les investissements à l’étranger dans les banques, les médias, le sport, l’agriculture, le luxe et l’industrie ont été lancés par le fonds souverain Qatar Investment Authority (QIA). Parmi les priorités de ces investissements : les technologies environnementales, les énergies renouvelables et les modes de transport durables. Le défi est ambitieux pour l’émirat, puisque le pays est aujourd’hui classé au 66e rang mondial en termes d’émissions de CO2.
L’État qatari s’est ainsi emparé de cette question à bras-le-corps et a annoncé en mars dernier un plan quinquennal destiné à améliorer ses performances en la matière. Au cœur de cette stratégie nationale de développement pour 2018-2022 : l’ambition de « rationaliser la consommation d’énergie et encourager le développement des énergies renouvelables, tout en augmentant le niveau d’autosuffisance pour l’agriculture et pour la pêche » (1). Du côté de la production d’énergie, en particulier, c’est sur l’énergie solaire que le Qatar est le plus avancé, compte tenu de conditions propices dans le pays.
Miser sur l’énergie solaire
Les objectifs affichés sont de satisfaire près d’un quart de la demande énergétique par des sources d’énergies renouvelables d’ici 2030 et de dessaler l’eau à 80 % par l’énergie solaire. Cette politique d’investissement résolument tournée vers la protection de l’environnement et le développement durable, on le sait moins, est même inscrite dans la constitution du pays : « l’Etat œuvre pour la protection de l’environnement et de son équilibre naturel afin d’assurer un développement global et durable pour les générations futures ».
Dès 2014, Doha s’est doté de la plus grande centrale d’énergie solaire du Moyen-Orient, Qatar Solar Energy (QSE). Le Qatar a l’ambition d’être l’un des leaders de ce secteur en pleine expansion. Salim Abbassi, directeur général de QSE, déclarait lors de l’inauguration : « Qatar Solar Energy a pour ambition de démocratiser les énergies renouvelables en proposant des solutions respectueuses de l’environnement, dans un monde où ces défis deviennent urgents. En réduisant les coûts, notre technologie donnera aux entreprises et aux particuliers les moyens d’obtenir de l’électricité à un prix raisonnable, aussi bien dans les pays développés que sur les marchés émergents ». Précisant l’axe de développement de son groupe, il ajoutait « qu’il s’agit d’une étape importante pour le Qatar et prouve que la région peut se placer à la pointe d’une industrie qui assurera de manière durable les générations futures en énergies renouvelables » (2).
Depuis, les efforts se sont amplifiés. La compagnie générale de l’électricité et des eaux du Qatar, Kahramaa (Qatar Electricity and Water Company), soutient par exemple un programme national de mise en valeur de projets écocompatibles. Baptisé « Tarchid » (« Orientation » en arabe), il vise à fédérer des initiatives, innovations ou projets qui ont pour point commun la préservation de l’environnement. Dans le même esprit, Kahramaa s’est jointe à Qatar Petroleum (QP) pour lancer le plus grand projet de production d’énergie solaire du pays. L’ambition des deux groupes est que ce parc produise à court terme, en 2020, environ 200 Mégawatts d’énergie tout en offrant la possibilité de s’étendre pour atteindre dans une autre phase la barre des 5000 MW. À titre de comparaison, cela représente la production électrique d’environ trois réacteurs nucléaires de type EPR.
Promotion du tourisme durable
Derrière cette stratégie volontariste, il y a non seulement pour le Qatar des enjeux d’image sur la scène internationale, mais aussi des questions d’attractivité touristique. Le Qatar se concentre ainsi sur le développement du tourisme sportif et culturel. L’accueil en 2022 de la coupe du monde de football sera la première grande échéance du pays pour prouver son engagement sur ce terrain. Cet événement constitue un aiguillon efficace pour tous les acteurs impliqués — y compris le groupe Vinci chargé de réaliser les douze stades, entièrement climatisés et fonctionnant à l’énergie solaire. À la demande de la FIFA, 60 000 chambres d’hôtel seront construites. Le pays compte recevoir 3,7 millions de visiteurs en 2022, contre 2,8 en 2014. D’ici 2030, les autorités qataries envisagent même d’accueillir jusqu’à 7 millions de visiteurs ! La Qatar Tourism Authority (QTA), l’agence gouvernementale chargée de la promotion du Qatar à travers le monde, a d’ailleurs engagé en octobre 2017 « un plan destiné à placer l’émirat comme nouveau hub touristique régional », avec un fort accent sur le tourisme durable (3).
Six zones géographiques ont été identifiées pour en faire des vecteurs de la promotion du tourisme dans le pays. Les thématiques ne manquent pas pour ce petit pays qui veut séduire les touristes du monde entier : des plages de sable fin paradisiaques, le site archéologique de Zubara, les bivouacs dans le désert, le folklore bédouin… De nombreux chantiers d’aménagement ont été lancés dans tout le pays pour mettre en valeur ce qui peut l’être. C’est ainsi que Suez a par exemple remporté, fin 2017, un contrat emblématique de cette volonté d’améliorer et de préserver l’environnement : pas moins de 400 ha à dépolluer et à réhabiliter d’ici mi-2020 avec des technologies de pointe, dans les lagons d’Al Karaana, au sud-ouest de Doha (4).
(1) https://fr.reuters.com/article/frEuroRpt/idFRL8N1QW65M
(2) https://www.observatoire-qatar.com/economie/item/183-qatar-solar-energy-doha-se-dote-de-la-plus-grande-centrale-d-energie-solaire-du-moyen-orient
(3) https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/comment-le-qatar-compte-booster-son-tourisme-en-l-espace-de-cinq-ans-764711.html
(4) https://investir.lesechos.fr/actions/actualites/suez-le-contrat-de-depollution-au-qatar-atteint-107-mlns-1725913.php