Le dispositif législatif n’avait encore jamais été véritablement pensé pour l’économie sociale et solidaire, qui innovait parfois dans le flou juridique le plus total. Qui fait vraiment partie de la galaxie ESS ? Quelles sont les prérogatives et les obligations de ses représentants ? C’est notamment pour apporter les premières réponses à ce type de questions que l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi Hamon au cours de l’été dernier. « Il propose une vision inclusive qui va au-delà des acteurs statutaires et historiques : associations, coopératives, mutuelles et fondations. Il l’élargit aux sociétés commerciales qui partagent les valeurs de l’ESS », commentait alors la secrétaire d’Etat chargée de l’ESS, Valérie Fourneyron.
Un cadre légal en reconfiguration
Adopté en première lecture le 5 juin par le Sénat, ce texte porté par Benoît Hamon avait en effet pour objectif déclaré de poser la première définition officielle de l’ESS et de « mieux cibler et de mieux suivre l’action publique en faveur de ce secteur ». Pour prévenir au mieux les éventuelles incertitudes réglementaires qui pourraient découler du développement de l’ESS, le texte entend ainsi garantir « une meilleure identification des acteurs par les financeurs, la sécurisation de l’environnement juridique, un pouvoir d’agir pour les salariés, la création d’emploi dans les territoires, la consolidation du modèle économique des entreprises de l’ESS, l'inscription de la politique publique de l’ESS dans la durée ».
Dans un contexte de professionnalisation croissante des entreprises de l’ESS, la question de la concurrence avec les entreprises classiques se pose également. En 2014 par exemple, après une année de débats sur le crédit d’impôt compétitivité emploi, conjugués à un net recul des subventions publiques, beaucoup d’acteurs de l’ESS ont regretté que le gouvernement ne déploie pas davantage de mesures incitatives à leur attention. « Les dirigeants du secteur de l’économie sociale et solidaire ne veulent pas être les grands oubliés de la politique de l’offre, menée depuis le début de l’année par le président de la République », explique le journal La Croix. C’est la raison pour laquelle l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire a formalisé un certain nombre de revendications en complément des changements annoncés par la loi sur l’ESS.
Car l’idée que l’économie sociale et solidaire ne serait que le terreau résiduel de la croissance de quelques entreprises atypiques, et donc marginales, a la vie dure. L’ESS représente des pans entiers et non négligeables de l’économie française, et jusqu’à 10 % de son PIB. Les entreprises qui constituent l’ESS ont donc un poids économique si important que le gouvernement actuel a tenu à actualiser la législation en vigueur les concernant. En effet, on compte parmi elles de grands représentants du secteur bancaire et de l’assurance, témoins de leur professionnalisme et de la place qu’elles occupent, pour certains dans le quotidien des Français.
A rebours des idées reçues : « concilier performance et utilité sociale »
Tandis qu’il défendait son projet de loi, le ministre de l’époque Benoît Hamon soutenait que « l’ESS peut concilier gouvernance démocratique, utilité sociale et performance démocratique ». On oublie trop souvent, en effet, que l’ESS n’est pas réservée aux coopératives de producteurs de produits bio, mais qu’elle regroupe des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs d’activité qui ont en commun de partager une certaine vision de l’économie. Ainsi, le panorama sectoriel 2014 des entreprises coopératives nous apprend-t-il que les coopératives intégrant le top 100 ont, en moyenne, 45 ans d’ancienneté moyenne et génèrent 228 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Or, les coopératives ne représentent qu’une fraction de l’ESS, auxquelles il convient d’ajouter les associations, les fondations et les sociétés d’assurance mutuelles.
L’activité de ces dernières, par exemple, est régie par le code de la mutualité ; ce qui ne les empêche pas de rivaliser avec les grandes compagnies d’assurance, ni ne les dispense de répondre aux mêmes exigences réglementaires à commencer par la directive « Solvabilité II », cette réglementation qui impose aux assureurs d’adapter leurs fonds propres aux niveaux de risque qu’ils encourent dans leur activité.
« La finalité de Solva 2 est avant tout prudentielle » rapporte Bertrand Da Ros, le directeur général de la mutuelle SMI. Il précise : « Il s’agit tout d’abord de mieux évaluer nos risques, afin de mettre en œuvre les plans d’action susceptibles de garantir à nos adhérents le respect de nos engagements en tant qu’assureur […]Cela relève des principes de développement durable qui sont les nôtres et qui se trouvent d’ailleurs au cœur de notre culture mutualiste. ». Pour Franck Bergère, directeur de l’Organisation Qualité Contrôle et Risque de la mutuelle SMI, la corrélation entre normes prudentielles et éthique mutualiste a même quelque chose d’évident : « On remarque une certaine convergence entre la voie empruntée par les nouvelles exigences réglementaires, les normes de qualité et le fonctionnement mutualiste », précise-t-il. Avec une efficacité réelle en termes de résultats opérationnels, mais à laquelle le grand public est encore trop peu sensibilisé.
Pour remédier à cela, et dans un souci de mieux faire connaître les entreprises de l’ESS, l’Association des assureurs mutuels et coopératifs européens (AMICE) a dévoilé le 5 juin son « Manifeste de l’assurance mutualiste européenne ». Un document révélateur des performances dont sont capables les entreprises de l’ESS. La Mutualité Française y souligne en effet que dans le secteur de l’assurance, les entreprises de l’ESS représentent « plus de la moitié des quelque 6 000 entreprises d’assurance opérant en Europe, soit près du tiers du chiffre d’affaires […], 200 millions de personnes assurées et près de 350 000 emplois ». Signe incontestable que le secteur se porte bien : « depuis 2008, la part de marché de l’assurance mutualiste et coopérative en Europe est passée de 25,9 % à 28,4 %. »
Les banques solidaires existent aussi
Les mutuelles ne sont pas les seuls acteurs financiers de l’ESS. Parmi les têtes de pont de l’ESS, on trouve également les banques mutualistes ou coopératives de crédit. En France, elles sont représentées par des institutions comme la Caisse d’Epargne, Banque Populaire, le Crédit Agricole ou le Crédit Mutuel. Ces banques souvent organisées en branches régionales n’ont rien à envier à leurs contreparties non mutualistes en termes de notoriété et de chiffre d’affaires. En 2013 par exemple, la Banque Populaire Occitane « qui couvre Midi-Pyrénées sauf l'Ariège en y ajoutant le Lot-et-Garonne, a recruté 24 000 nouveaux clients et 7 500 nouveaux sociétaires ». Pour cette seule branche de la Banque Populaire, cela correspond à « un produit net bancaire de 369 millions d'euros, en hausse de 2,7 %, et un bénéfice étal à 53 millions » sur une seule année.
Loin de n’être représentée que par des associations locales, ou des coopératives agricoles, l’économie sociale et solidaire est également le fait d’acteurs économiques de premier plan. Ces entreprises partagent finalement les mêmes considérations de performance économique et d’efficacité opérationnelle que n’importe quelle autre entreprise. Il s’en faudrait de peu pour qu’on les confonde, si seulement les entreprises n’avaient cette particularité qui leur impose de toujours réinvestir la richesse créée dans leur projet d’utilité sociale.
Un cadre légal en reconfiguration
Adopté en première lecture le 5 juin par le Sénat, ce texte porté par Benoît Hamon avait en effet pour objectif déclaré de poser la première définition officielle de l’ESS et de « mieux cibler et de mieux suivre l’action publique en faveur de ce secteur ». Pour prévenir au mieux les éventuelles incertitudes réglementaires qui pourraient découler du développement de l’ESS, le texte entend ainsi garantir « une meilleure identification des acteurs par les financeurs, la sécurisation de l’environnement juridique, un pouvoir d’agir pour les salariés, la création d’emploi dans les territoires, la consolidation du modèle économique des entreprises de l’ESS, l'inscription de la politique publique de l’ESS dans la durée ».
Dans un contexte de professionnalisation croissante des entreprises de l’ESS, la question de la concurrence avec les entreprises classiques se pose également. En 2014 par exemple, après une année de débats sur le crédit d’impôt compétitivité emploi, conjugués à un net recul des subventions publiques, beaucoup d’acteurs de l’ESS ont regretté que le gouvernement ne déploie pas davantage de mesures incitatives à leur attention. « Les dirigeants du secteur de l’économie sociale et solidaire ne veulent pas être les grands oubliés de la politique de l’offre, menée depuis le début de l’année par le président de la République », explique le journal La Croix. C’est la raison pour laquelle l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire a formalisé un certain nombre de revendications en complément des changements annoncés par la loi sur l’ESS.
Car l’idée que l’économie sociale et solidaire ne serait que le terreau résiduel de la croissance de quelques entreprises atypiques, et donc marginales, a la vie dure. L’ESS représente des pans entiers et non négligeables de l’économie française, et jusqu’à 10 % de son PIB. Les entreprises qui constituent l’ESS ont donc un poids économique si important que le gouvernement actuel a tenu à actualiser la législation en vigueur les concernant. En effet, on compte parmi elles de grands représentants du secteur bancaire et de l’assurance, témoins de leur professionnalisme et de la place qu’elles occupent, pour certains dans le quotidien des Français.
A rebours des idées reçues : « concilier performance et utilité sociale »
Tandis qu’il défendait son projet de loi, le ministre de l’époque Benoît Hamon soutenait que « l’ESS peut concilier gouvernance démocratique, utilité sociale et performance démocratique ». On oublie trop souvent, en effet, que l’ESS n’est pas réservée aux coopératives de producteurs de produits bio, mais qu’elle regroupe des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs d’activité qui ont en commun de partager une certaine vision de l’économie. Ainsi, le panorama sectoriel 2014 des entreprises coopératives nous apprend-t-il que les coopératives intégrant le top 100 ont, en moyenne, 45 ans d’ancienneté moyenne et génèrent 228 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Or, les coopératives ne représentent qu’une fraction de l’ESS, auxquelles il convient d’ajouter les associations, les fondations et les sociétés d’assurance mutuelles.
L’activité de ces dernières, par exemple, est régie par le code de la mutualité ; ce qui ne les empêche pas de rivaliser avec les grandes compagnies d’assurance, ni ne les dispense de répondre aux mêmes exigences réglementaires à commencer par la directive « Solvabilité II », cette réglementation qui impose aux assureurs d’adapter leurs fonds propres aux niveaux de risque qu’ils encourent dans leur activité.
« La finalité de Solva 2 est avant tout prudentielle » rapporte Bertrand Da Ros, le directeur général de la mutuelle SMI. Il précise : « Il s’agit tout d’abord de mieux évaluer nos risques, afin de mettre en œuvre les plans d’action susceptibles de garantir à nos adhérents le respect de nos engagements en tant qu’assureur […]Cela relève des principes de développement durable qui sont les nôtres et qui se trouvent d’ailleurs au cœur de notre culture mutualiste. ». Pour Franck Bergère, directeur de l’Organisation Qualité Contrôle et Risque de la mutuelle SMI, la corrélation entre normes prudentielles et éthique mutualiste a même quelque chose d’évident : « On remarque une certaine convergence entre la voie empruntée par les nouvelles exigences réglementaires, les normes de qualité et le fonctionnement mutualiste », précise-t-il. Avec une efficacité réelle en termes de résultats opérationnels, mais à laquelle le grand public est encore trop peu sensibilisé.
Pour remédier à cela, et dans un souci de mieux faire connaître les entreprises de l’ESS, l’Association des assureurs mutuels et coopératifs européens (AMICE) a dévoilé le 5 juin son « Manifeste de l’assurance mutualiste européenne ». Un document révélateur des performances dont sont capables les entreprises de l’ESS. La Mutualité Française y souligne en effet que dans le secteur de l’assurance, les entreprises de l’ESS représentent « plus de la moitié des quelque 6 000 entreprises d’assurance opérant en Europe, soit près du tiers du chiffre d’affaires […], 200 millions de personnes assurées et près de 350 000 emplois ». Signe incontestable que le secteur se porte bien : « depuis 2008, la part de marché de l’assurance mutualiste et coopérative en Europe est passée de 25,9 % à 28,4 %. »
Les banques solidaires existent aussi
Les mutuelles ne sont pas les seuls acteurs financiers de l’ESS. Parmi les têtes de pont de l’ESS, on trouve également les banques mutualistes ou coopératives de crédit. En France, elles sont représentées par des institutions comme la Caisse d’Epargne, Banque Populaire, le Crédit Agricole ou le Crédit Mutuel. Ces banques souvent organisées en branches régionales n’ont rien à envier à leurs contreparties non mutualistes en termes de notoriété et de chiffre d’affaires. En 2013 par exemple, la Banque Populaire Occitane « qui couvre Midi-Pyrénées sauf l'Ariège en y ajoutant le Lot-et-Garonne, a recruté 24 000 nouveaux clients et 7 500 nouveaux sociétaires ». Pour cette seule branche de la Banque Populaire, cela correspond à « un produit net bancaire de 369 millions d'euros, en hausse de 2,7 %, et un bénéfice étal à 53 millions » sur une seule année.
Loin de n’être représentée que par des associations locales, ou des coopératives agricoles, l’économie sociale et solidaire est également le fait d’acteurs économiques de premier plan. Ces entreprises partagent finalement les mêmes considérations de performance économique et d’efficacité opérationnelle que n’importe quelle autre entreprise. Il s’en faudrait de peu pour qu’on les confonde, si seulement les entreprises n’avaient cette particularité qui leur impose de toujours réinvestir la richesse créée dans leur projet d’utilité sociale.