Photo: Euro Blue Power
Euro Blue Power est spécialisée dans les centrales hydroélectriques de petite puissance. A qui s’adressent-elles ?
A des « communautés » réunissant investisseurs publics et privés, industriels et collectivités locales. Côté investisseurs, nous trouvons des entreprises comme EBP, des acteurs financiers traditionnels comme les banques, mais aussi des investisseurs institutionnels, attirés par des investissements écoresponsables et des rendements stables à long terme. La partie industrielle repose, elle, sur des turbiniers français, comme MecaMidi, et des cabinets d’engineering comme Beteru ou Artelia. Mais le premier acteur d’un projet hydroélectrique est toujours la collectivité locale intéressée.
Pouvez-vous brièvement nous rappeler le principe de l’énergie hydroélectrique, notamment lorsqu’elle est adaptée à l’échelle d’une commune ?
Pierre-Marie Hénin, PDG de l'entreprise Euro Blue Power
Euro Blue Power évolue sur le segment de la « petite hydroélectricité », développant des puissances de 4,5 MWatt au maximum. Concrètement, nos installations se divisent en deux grandes catégories : les centrales à « conduite forcée » et les « barrages au fil de l’eau ». Dans le premier cas, une partie de l’eau est prélevée en amont d’un torrent pour l’injecter dans une conduite au bout de laquelle une turbine reliée à un alternateur produit de l’électricité pour le réseau. Le surplus d’eau prélevé est restitué ensuite en aval. Les barrages « au fil de l’eau », aussi appelés « barrages à clapets », se situent, eux, dans le lit de la rivière. Leur but est de créer un seuil artificiel de quelques mètres de haut augmentant ainsi la puissance de l’eau relâchée vers les mêmes systèmes turbines/alternateurs produisant de l’électricité. Ces barrages à clapets présentent l’avantage de ne pas dévier le cours de la rivière, ni d’en interrompre l’écoulement.
Quels sont généralement les bénéfices escomptés par les communes qui recourent au petit hydroélectrique ?
Ces projets permettent à une commune, qui en a la volonté, d’agir concrètement sur les questions de transition énergétique. Pour une collectivité, l’un des premiers bénéfices se mesure en termes d’image : un territoire agit alors concrètement pour l’environnement et la transition énergétique. Les autres intérêts, loin d’être négligeables, sont économiques. L’hydroélectricité est en cela perçue comme un accélérateur de projets locaux de développement durable.
Quel est le bilan économique de l’exploitation d’une telle centrale pour une commune ?
Ces installations ne coûtent pas un centime d’argent public aux collectivités, mais mobilisent entre autres les préfectures pour obtenir les autorisations nécessaires. Les collectivités locales mettent à disposition une partie du domaine public pour l’exploitation, contre une redevance, indexée sur le chiffre d’affaires. Euro Blue Power sélectionne chaque projet minutieusement pour permettre la rémunération de tous aux meilleures conditions. Pour les collectivités, c’est la garantie d’un revenu stable, à long terme, généralement adossé à un contrat de rachat par EDF de l’électricité produite pour 20 ans renouvelables.
Comment intervenez-vous, concrètement, dans le financement de ces projets ?
Nous assumons l’intégralité des frais, divisés en deux catégories : les frais de développement (études hydrologiques, environnementales, techniques) et les frais d’infrastructures (conception, construction de la centrale, raccordement et fonctionnement). Ces projets représentent des investissements lourds, et s’adressent donc à des investisseurs « patients ». Ce sont par contre des investissements qui garantissent des revenus stables sur de très longues durées. Les riverains, via des mécanismes de « financement participatif », peuvent eux-mêmes investir dans ces projets. Dans certains pays nordiques, une partie du capital leur est même systématiquement réservée pour leur permettre de s’approprier ces actions locales et concrètes en faveur de l’environnement global.
La réglementation environnementale, en France comme ailleurs, constitue-t-elle un frein au développement du « petit » hydroélectrique ? (vie des rivières, intégration environnementale du bâti...)
Ce n’est pas un frein, mais une contrainte nécessaire. L’eau étant un bien public, un arrêté préfectoral est nécessaire pour la « turbiner ». Pour l’obtenir, les études environnementales à fournir sont extrêmement pointues ; le process complet peut durer entre trois et sept ans, et parfois déboucher sur un refus. Cela reste néanmoins un processus nécessaire, dans l’intérêt de l’environnement, mené avec un grand professionnalisme par tous les acteurs administratifs concernés. Du côté des collectivités, il est très souvent inconcevable de toucher à l’intégrité du paysage, raison pour laquelle nous sommes extrêmement attentifs à l’intégration de nos ouvrages dans leur environnement.
Comparativement aux champs d’éoliennes ou aux fermes solaires, l’hydroélectricité jouit-elle d’une plus grande acceptabilité auprès des riverains ?
L’impact foncier et visuel est nettement moindre dans le cas de l’hydroélectricité, là où le photovoltaïque et l’éolien nécessitent des surfaces parfois considérables. De plus ces dernières ne permettent pas d’assurer une production électrique continue, sauf à adjoindre d’importantes capacités de stockage. Or, qu’il s’agisse des nuisances visuelles ou sonores, de l’occupation de l’espace public ou de la simple efficacité énergétique, l’hydroélectricité est généralement beaucoup mieux acceptée par les riverains car beaucoup plus performante sur ces questions. Les débats sur la transition énergétique devraient intégrer ces données fondamentales en faveur de l’hydroélectricité.
Les deux lois « Grenelle » de 2009 et 2010 ont fait des collectivités territoriales des acteurs majeurs du développement durable. Ressentez-vous un « effet Cop 21 » et, plus largement, une mobilisation des élus locaux sur les questions de développement durable ?
La COP21 a permis une réelle prise de conscience, et sa médiatisation extraordinaire a donné une forte visibilité aux technologies hydroélectriques. Elle a constitué un formidable outil de « conscientisation de la société », nécessaire pour faire comprendre que la transition énergétique peut commencer chez soi, sur un terrain privé : sous réserve de disposer d’une ressource utilisable (cours d’eau, champs venté ou ensoleillé…), un particulier peut désormais être acteur à titre individuel de la transition énergétique. Sachant que chez Euro Blue Power, nous descendons parfois entre 100 et 400 kWatt de puissance installée, un simple ancien moulin à eau peut éventuellement faire l’affaire.
Dans quel cadre réglementaire de tels projets peuvent-ils s’inscrire ? Sont-ils encouragés, voire même subventionnés par la France ou l’Union Européenne ?
En dessous de 4,5 MWatt de puissance, une autorisation préfectorale suffit. Cette autorisation est valable pour une durée d’environ 20 à 30 ans, renouvelable autant de fois que nécessaire. Mais obtenir cette autorisation nécessite des études d’impact extrêmement fouillées. Certes, ces démarches sont une garantie de qualité pour nos projets mais l’allégement de cette charge administrative, qui condamne certains petits projets techniquement réalisables et économiquement rentables à ne jamais voir le jour, serait une évolution intéressante. Pour autant, l’hydroélectricité est aidée. Il existe d’une part des tarifs règlementés de rachat de l’électricité, mais aussi des programmes, au niveau européen, pour convertir à l’hydroélectricité des ouvrages hydrauliques existants. Ces ouvrages disposant de facto d’une autorisation d’exploitation, le potentiel de production électrique est considérable, à brève échéance.