Ce que révèlent les enquêtes
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Les études menées sur les méthodes de management, laissent apparaitre clairement qu’en France les chefs d’entreprise et leurs cadres sont les moins bien notés. Ainsi, le manager français est décrit comme étant peu communicatif, tourné vers lui-même et autoritaire. Un portrait peu valorisant qui est tout autant celui des managers de proximité que des cadres dirigeants ou des managers de niveau intermédiaire. Ainsi, c'est toute la hiérarchie qui est montrée du doigt par les salariés français. L'enquête menée par TNS Sofres en 2007 révèle que seulement 45 % des salariés français estiment recevoir de la reconnaissance pour leurs efforts, et que 37 % estiment être justement récompensés. Des chiffres peu flatteurs comparés au taux de satisfaction des salariés américains qui sont 75 % à penser que leur supérieur leur témoigne de la reconnaissance, et 70 % à estimer que leurs efforts sont récompensés. Les employés français exerçant dans des sociétés à l’étranger confirment les résultats de cette enquête et les différences de méthodes managériales entre entreprises françaises et anglo-saxonnes. Des différences qui se caractérisent entre autres par une psychologie et une approche managériale différente.
Contraste entre modèles français et anglo-saxon
Interrogée dans le cadre d'une enquête sur les méthodes managériales, Bénédicte Peronnin dont le parcours professionnel lui a conféré l'expérience du leadership dans les entreprises françaises tout autant que du leadership à l'anglo-saxonne témoigne d'un tel contraste. Bénédicte Peronnin DRH du groupe Legris Industries et qui a travaillé pour Novell, Apple et Equant, explique que lorsqu'Equant fut racheté par France Télécom, elle a fini par démissionner. Habituée à des années de culture managériale américaine, l’arrivée du management à la française lui était devenue insoutenable. Et pour cause, elle est passée d'un cadre de travail où elle vivait une aventure humaine avec ses collaborateurs, à un environnement sans aucun échange ni partage. L'étude de BPI-BVA publiée en décembre 2007 révèle d'ailleurs que les travailleurs outre-Atlantique sont les plus ravis de leur environnement de travail, alors que les Français sont les moins satisfaits. Alors qu’elles sont les caractéristiques du management à la française ? À constater le taux de satisfaction des salariés anglo-saxons, il convient de prendre les modèles, britannique et américain comme exemple, sans pour autant les reproduire à l’exactitude. Voyons les traits du management à la française.
Les méthodes des managers français
Il apparait clairement que les employés français travaillant dans les entreprises anglo-saxonnes sont davantage satisfaits de leurs conditions de travail que ceux qui travaillent pour des sociétés françaises. Ce qui entre parenthèses exclut le cliché du français râleur. Sont principalement mis en cause par les employés : la capacité d'écoute, le manque de concertation, l’absence de reconnaissance, le flou des circuits de décision, et la mauvaise gestion des ressources humaines. Premier constat des études réalisées, les cadres dirigeants français sont davantage focalisés sur le relationnel pour décider de l'évolution des salariés, alors que la distance entre les employés et les dirigeants est plus importante que dans les autres pays. En d’autres mots, il faut appartenir au "clan" du dirigeant pour évoluer rapidement, les compétences et efforts n'étant que trop peu récompensés et reconnus. D'autre part, il s'avère que les dirigeants et managers français ont le sentiment que leur fonction leur impose la rétention d'information à tout prix, et que leur principal rôle est d’avoir la connaissance absolue. DDI, un cabinet d’étude, a mené une enquête révélant une perception autocratique chez les dirigeants français, alors que les dirigeants anglo-saxons sont davantage tournés vers leurs collaborateurs, avec une perception méritocratique de leur fonction. En d’autres termes, ils se soucient de la manière dont ils s’adressent à leurs subordonnées et prennent garde à ne pas les froisser ou à leur manquer de respect. Les Allemands quant à eux exercent plutôt selon des méthodes à caractère démocratique.
La culture de l'ingénieur
Enfermés dans leur bureau, les managers français sont peu présents sur le terrain, ils accordent peu d'importance au bien-être de leurs subordonnées et encore moins au dialogue. Un constat qui se manifeste par le manque de satisfaction des salariés, et qui remet en cause la formation et le mode de sélection des managers français. Il s'avère que ces derniers sont essentiellement sélectionnés pour leurs compétences techniques et non pour leurs aptitudes relationnelles. Des qualités pourtant reconnues comme essentielles à la productivité. Mais force est de constater que la culture française est imprégnée de l’idée qu’un chef est réputé savant dans son domaine. Ainsi, le supérieur en tant qu'ingénieur de sa profession, dispose d'un pouvoir quasi dictatorial qu'il considère ne pas devoir partager pour le bien de l'entreprise, et ses directives ne peuvent être discutées ou remises en question. Cette psychologie est spécifique aux managers français, mais bien que cette particularité s’annonce ardue à déraciner, en témoigne, Xavier Randretsa, de l’université de Faurecia, les mentalités tendent à évoluer.
L'avenir du management à la française
Les études qui démontrent l'importance d'un management collaboratif et reconnaissant envers les salariés se comptent aujourd'hui par centaines, et les dirigeants français ne peuvent se soustraire à ces évidences. L'évolution du management à la française se fait déjà sentir, mais le changement est lent, car il s'agit de faire évoluer les mentalités avant les outils opérationnels. Conscientes des enjeux, les entreprises françaises sont de plus en plus nombreuses à recourir aux "assessment centers", et investissent davantage dans la formation. Le modèle anglo-saxon a d'ores et déjà pénétré les frontières françaises, mais peine encore à être appliqué, car il ne s’agit pas de faire un simple copié-collé, mais d’adapter le modèle. Toujours est-il que la gouvernance française est lucide face à ses défauts, et semble vouloir racheter sa conduite trop axée sur les aspects financiers, et ce, au détriment du bien-être des salariés. À voir l'inexistence de feed-back, comme le constate la responsable RH du groupe Cegos, Annick Allégret, la route sera encore longue avant de voir un management méritocratique ou démocratique à la française. Fort heureusement, les entreprises sont sur la bonne voie.