La régulation de la finance en débat

RSE Magazine
31/10/2009


Allons-nous vers un re-cloisonnement des activités ? Malgré l’émoi général suscité par la crise financière, le monde de la finance ne s’est pas encore totalement raisonné. Le 30 octobre 2009, en l’espace d’une seule journée, neuf banques américaines sont mises en faillite. Les autres, ayant résisté à la crise, semblent renouer avec leurs démons, accumulant les conduites à risques sur les marchés. De nombreux gouvernements seraient en discussion pour renforcer la régulation internationale des activités bancaires, ce qui n’est pas sans provoquer de nombreuses levées de boucliers de part et d’autre de l’Atlantique…Aperçu du débat et des enjeux.



Que se passe-t-il exactement ?

Jacques Attali, cité par le Journal Le Monde (30/10/2009), déclarait il y a peu : « il faut que le métier de banquier redevienne triste et ennuyeux »… C’est bien là tout l’enjeu : combien de temps encore les déposants accepteront-t-ils que les banques jouent leur argent sans égards ? De nombreuses voix politiques s’élèvent donc, compte tenu de la persistance de certaines dérives, pour réclamer un isolement strict des activités de dépôt et des activités de marché. En d’autres termes, on chercherait à préserver les banques de détail (ou « commerciales », qui sont en charge de gérer l’argent des déposants) des dommages collatéraux potentiels entraînés par le comportement des banques d’affaires, dont l’activité est par nature spéculative.

Mais la concentration et la consolidation des activités sur le marché bancaire sont devenues telles qu’une séparation nette entre ces deux types d’activités est difficilement envisageable sur le plan technique. Pourtant, c’était encore la règle qui prédominait aux Etats-Unis il y a seulement dix ans, avant l’abandon du Glass-Steagall Act. Cette législation, qui fut promulguée en 1933 pour stabiliser l’économie financière après la crise de 1929, nous aurait-elle épargné le phénomène de bulle spéculative ? Pas si sûr… Néanmoins, elle aurait peut-être évité bien des faillites personnelles, essentiellement outre-Atlantique. L’idée de remettre Le Glass-Steagall Act au goût du jour fait donc son chemin dans l’esprit de certains gouvernants. Mais leurs adversaires sont nombreux, et certains d’entre eux parmi les virulents sont européens !

Les avocats d’une croissance durable : ceux qui sont pour…

… Evoquent principalement la responsabilité morale des banques commerciales envers les déposants et les épargnants. Il est devenu impératif d’empêcher toute contamination de l’activité de détail par les déboires des professionnels de la spéculation. Une banque de détail, en effet, a vocation à financer l’économie, ce qui veut dire : collecter les dépôts, octroyer des crédits et gérer des comptes selon des règles de prudence dûment établies. Isoler la banque de détail de l’activité de marché permettrait de garantir ainsi que les banques, grâce à leurs réserves obligatoires, mettent le particulier et l’entreprise à l’abri des effets de contagion. D’ailleurs, ce modèle fonctionnait très bien aux Etats-Unis, jusqu’à ce que le Sénat Américain se résolve en 1999 à abroger le Glass-Steagall Act sous la pression d’un puissant lobby réclamant la légalisation d’une fusion géante entre Citicorp et Travellers…

Les partisans d’une reprise rapide : ceux qui sont contre…

… Insistent sur les synergies et l’interdépendance des activités de détail et de marché. C’est ce qui permettrait aux groupes de réduire leurs coûts, et de proposer par conséquent à leurs clients des prix compétitifs et une gamme étendue de produits bancaires. Toutefois ils sont plusieurs, à l’instar de Patrick Artus (Responsable de la recherche économique chez Natixis), à reconnaître qu’il serait envisageable de n’isoler que les activités véritablement spéculatives, telles qu’elles sont pratiquées par les hedge funds par exemple. Toutes les activités de marché, en effet, ne font pas encourir le même niveau de risque, et la finance ne se réduit pas à la spéculation.

Une chose est sûre, une réforme de cette ampleur n’est pas pour demain : à l’approche des législatives de 2010, les travaillistes britanniques éviteront de fâcher la puissante City de Londres. Et le principal conseiller économique d’Obama, quant à lui, comptait parmi les artisans de l’abrogation du Glass-Steagall Act en 1999 sous Clinton. Or, qui pourrait bien prétendre réformer la finance internationale sans le soutien du monde anglo-saxon ?

Pour aller plus loin:
Un article académique signé Paul Davidson, Professeur d'économie à l'Université du Tennessee (en anglais)
Un article du journal Le Monde qui reprend les termes du débat


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