Par Thierry Amougou, Professeur à l'Université catholique de Louvain
Ne sommes-nous pas, en tant que citoyens européens, à l’intérieur d’un enclos de certitudes et de vérités institutionnelles par rapport auxquelles le vote, la critique et l’innovation ne peuvent être que réformistes et donc en deçà de la promesse démocratique parce que très souvent exogènes aux sociétés et résultantes d’un système institutionnel, politique et économique surplombant nos choix ?
Ce questionnement traduit quelque chose comme une enclosure mythologique du monde en prenant le mythe au sens que lui donne Roland Barthes à savoir une contingence historique que l’on fonde naturellement et éternellement. Un monde dont le destin serait déjà connu dans une sorte de « fin de l’histoire » dont parlais le politologue Francis Fukuyama n’est-il pas un monde dans une enclosure mythologique qui limite les possibles, borne la critique, signale des zones interdites à celle-ci et l’utilise pour se perpétuer ad vitam aeternam en oubliant son caractère contingent, car historique ? Le citoyen européen peut-il être autre chose qu’un poisson rouge sachant que ses choix ne peuvent se faire que dans « un monde-aquarium » ?
Il semble fondé, au regard des dernières élections municipales françaises, de se demander s’il ne faut pas penser à un au-delà de la démocratie représentative et du capitalisme néolibéral. Un exemple illustre l’urgence d’une telle réflexion : au sein de l’UE, les experts, les agences de notation et les économistes néoclassiques ont déjà fait le choix de l’austérité comme la seule politique économique viable, valide et valable pour sortir de la crise économique. En conséquence, qu’un pays européen ait à sa tête un pouvoir de droite ou un pouvoir de gauche ne change rien à la politique économique qui sera menée.
Il en résulte un questionnement sur ce à quoi servent les citoyens et les politiques si, d’un côté, les choix des citoyens ne valent rien devant ceux des bureaux d’expertise et si, de l’autre, les politiques n’ont désormais plus pour seule et unique fonction qu’appliquer et/ou mettre en scène ce qui aura été au préalable décidé dans les coulisses de l’expertise et de la doxa économique dominante. Autrement dit, une fois que « les Grands Électeurs » (experts, commission européenne, agence de notation, économistes néolibéraux) ont tablé sur les orientations de l’UE (l’aquarium), « les petits électeurs » (les citoyens européens ordinaires) ne deviennent-ils pas que des petits poissons rouges pouvant voter à gauche ou à droite de l’échiquier politique sans que cela ne change « l’aquarium-Europe » d’un iota ?
Ce questionnement traduit quelque chose comme une enclosure mythologique du monde en prenant le mythe au sens que lui donne Roland Barthes à savoir une contingence historique que l’on fonde naturellement et éternellement. Un monde dont le destin serait déjà connu dans une sorte de « fin de l’histoire » dont parlais le politologue Francis Fukuyama n’est-il pas un monde dans une enclosure mythologique qui limite les possibles, borne la critique, signale des zones interdites à celle-ci et l’utilise pour se perpétuer ad vitam aeternam en oubliant son caractère contingent, car historique ? Le citoyen européen peut-il être autre chose qu’un poisson rouge sachant que ses choix ne peuvent se faire que dans « un monde-aquarium » ?
Il semble fondé, au regard des dernières élections municipales françaises, de se demander s’il ne faut pas penser à un au-delà de la démocratie représentative et du capitalisme néolibéral. Un exemple illustre l’urgence d’une telle réflexion : au sein de l’UE, les experts, les agences de notation et les économistes néoclassiques ont déjà fait le choix de l’austérité comme la seule politique économique viable, valide et valable pour sortir de la crise économique. En conséquence, qu’un pays européen ait à sa tête un pouvoir de droite ou un pouvoir de gauche ne change rien à la politique économique qui sera menée.
Il en résulte un questionnement sur ce à quoi servent les citoyens et les politiques si, d’un côté, les choix des citoyens ne valent rien devant ceux des bureaux d’expertise et si, de l’autre, les politiques n’ont désormais plus pour seule et unique fonction qu’appliquer et/ou mettre en scène ce qui aura été au préalable décidé dans les coulisses de l’expertise et de la doxa économique dominante. Autrement dit, une fois que « les Grands Électeurs » (experts, commission européenne, agence de notation, économistes néolibéraux) ont tablé sur les orientations de l’UE (l’aquarium), « les petits électeurs » (les citoyens européens ordinaires) ne deviennent-ils pas que des petits poissons rouges pouvant voter à gauche ou à droite de l’échiquier politique sans que cela ne change « l’aquarium-Europe » d’un iota ?
Le politique et le citoyen peuvent-ils encore imaginer et inventer la société et la vie autrement, c’est-à-dire en dehors du périmètre de l’aquarium défini par les experts et l’économie néoclassique ? Peut-on encore parler de gouvernance démocratique au sein de l’UE si les populations européennes n’élisent finalement que des exécutants des décisions d’une commission non élue ? La démocratie européenne peut-elle encore prétendre à l’ambition de faire des citoyens européens les inventeurs de leur histoire via des États dirigés par des hommes et des femmes porteurs de projets de vie singuliers et innovants ? Que devient le principe un homme une voix si la voix des experts pèse plus que celle des populations censées être souveraines ?
Le fait que l’Europe ne se pose pas ce type de questions entraîne, ainsi que le démontre la récente municipale française, au moins trois comportements : l’abstentionnisme induit par l’« à quoi cela sert-il de voter puisque nous somme dans une Europe-aquarium » ; le « un coup à droite, un coup à gauche » via lequel le citoyen devient le meilleur garant de la médiocrité des politiques dans la mesure où ceux-ci savent que la majorité finira par revenir vers eux de façon mécanique qu’ils aient innové ou non ; la tentative de sortir de « l’Europe-Aquarium » en votant pour les extrêmes. C’est en laissant le discours sur la possibilité de sortie de « l’Europe-aquarium » aux seuls partis extrémistes que l’Europe peut basculer dans l’horreur lors des prochaines européennes car elle aura pendant longtemps refusé de retrouver le sens de la démocratie et de la vie en société en sortant de son enclosure mythologique.
Si le mythe capitalisme/démocratie désormais en crise en Occident ne peut se penser au-delà de lui-même pour que l’Europe retrouve son sens, alors seuls les extrêmes qui sapent les bordures idéologiques de « l’Europe-Aquarium » représenteraient l’espoir capable de faire du citoyen européen plus qu’un poisson rouge. L’heure est au réveil critique et à l’innovation politique, car il est toujours déjà trop tard une fois que l’irrationnel est devenu rationnel, une fois que le mythe a pris la place du sens.
Le fait que l’Europe ne se pose pas ce type de questions entraîne, ainsi que le démontre la récente municipale française, au moins trois comportements : l’abstentionnisme induit par l’« à quoi cela sert-il de voter puisque nous somme dans une Europe-aquarium » ; le « un coup à droite, un coup à gauche » via lequel le citoyen devient le meilleur garant de la médiocrité des politiques dans la mesure où ceux-ci savent que la majorité finira par revenir vers eux de façon mécanique qu’ils aient innové ou non ; la tentative de sortir de « l’Europe-Aquarium » en votant pour les extrêmes. C’est en laissant le discours sur la possibilité de sortie de « l’Europe-aquarium » aux seuls partis extrémistes que l’Europe peut basculer dans l’horreur lors des prochaines européennes car elle aura pendant longtemps refusé de retrouver le sens de la démocratie et de la vie en société en sortant de son enclosure mythologique.
Si le mythe capitalisme/démocratie désormais en crise en Occident ne peut se penser au-delà de lui-même pour que l’Europe retrouve son sens, alors seuls les extrêmes qui sapent les bordures idéologiques de « l’Europe-Aquarium » représenteraient l’espoir capable de faire du citoyen européen plus qu’un poisson rouge. L’heure est au réveil critique et à l’innovation politique, car il est toujours déjà trop tard une fois que l’irrationnel est devenu rationnel, une fois que le mythe a pris la place du sens.
A propos de l'auteur
Thierry Amougou est maître de conférence à l'Université catholique de Louvain. Docteur en sciences politiques et sociales et spécialiste de l'économie du développement, il dispense de nombreux cours à la croisée de ces deux thématiques.