La RSE : moins prioritaire face aux difficultés économiques ?

Paolo Garoscio
17/09/2024


Le concept de Responsabilité sociale des entreprises (RSE) semble traverser une phase délicate en 2024, alors que les priorités des dirigeants économiques mondiaux évoluent face aux turbulences économiques. Un rapport récent du cabinet Bain & Company révèle un net recul de l'engagement des entreprises dans la durabilité et la transformation écologique, au profit de préoccupations plus immédiates telles que l'inflation, l'instabilité géopolitique et les bouleversements technologiques. Ce changement de cap a de profondes implications sur l'évolution de la RSE et sa place dans les stratégies d'entreprise.



La baisse de l'engagement en faveur de la RSE

Depuis un an, l'intérêt pour la transition écologique et sociale a chuté de 30 %, selon les données de Bain & Company relayées par Novethic. Ce désengagement s'explique en grande partie par les multiples crises qui affectent le tissu économique mondial : montée de l'inflation, tensions géopolitiques, et bouleversements technologiques, notamment en raison de l'intelligence artificielle. Face à ces enjeux, de nombreux dirigeants ont relégué la durabilité au second plan, arguant que la survie de l'entreprise passe avant tout par la stabilité financière à court terme. Ce choix est qualifié par certains experts d’« erreur stratégique », car il pourrait compromettre la résilience des entreprises à long terme.

D'autres études mettent en lumière ce phénomène. En Europe, des associations patronales telles que le Medef et BusinessEurope se montrent critiques vis-à-vis des nouvelles réglementations RSE, notamment la directive sur le reporting de durabilité (CSRD) ou encore la loi européenne sur le devoir de vigilance. Ces lois, perçues comme des freins à la compétitivité, sont régulièrement contestées, soulignant un décalage croissant entre les dirigeants d'entreprise et les attentes des consommateurs.

Le décalage entre les dirigeants et les consommateurs

Malgré ce recul apparent, les attentes des consommateurs en matière de durabilité n'ont jamais été aussi fortes. Le rapport Bain & Company souligne qu'une majorité de citoyens sont aujourd'hui préoccupés par les questions environnementales et sociales, en particulier à cause des impacts directs du changement climatique. Face aux phénomènes tels que les vagues de chaleur extrêmes et les inondations, les consommateurs privilégient de plus en plus les produits écoresponsables. Environ un citoyen sur deux déclare se tourner vers des solutions plus respectueuses de l'environnement, offrant ainsi une opportunité majeure pour les entreprises qui choisissent de miser sur la RSE.

Cependant, comme l'indique Charlotte Guériaud, experte interrogée par Novethic, la RSE ne devrait pas être perçue uniquement comme un coût à court terme. Au contraire, elle représente une chance de renforcer l'innovation, d'accéder à des financements responsables comme les green bonds, et de mieux gérer les risques. L'experte estime que l'avenir de la compétitivité européenne repose sur un modèle intégrant à la fois l'innovation, la compétitivité et la durabilité. Elle appelle donc les entreprises à saisir cette opportunité pour anticiper les régulations futures tout en sécurisant leurs chaînes d'approvisionnement.