Philippe Laratte, voici quelques mois, vous avez pris la tête de Boutique Nature. Parlez-nous d’abord un peu de l'entreprise.
Philippe Laratte est président de Boutique Nature
Boutique Nature est une entreprise spécialisée dans la diffusion de produits naturels de bien-être. Elle propose aussi bien des compléments alimentaires qu’une gamme complète de produits cosmétiques bio avec la conviction qu’ils peuvent contribuer fortement au bien-être quotidien. Boutique Nature répond ainsi à une forte aspiration en faveur d’une façon plus naturelle et complète de prendre soin de sa santé et de son équilibre.
Boutique Nature s’inscrit donc dans la vogue actuelle des médecines alternatives?
Je n’aime pas le terme de médecine alternative, parce qu’il laisse entendre que notre approche s’opposerait à la médecine traditionnelle alors qu’en réalité, elle vise à la compléter par une recherche de l’équilibre au quotidien. Sur ce point, je veux être extrêmement clair : Boutique Nature ne s’inscrit pas dans un quelconque courant de remise en cause de la science ou de la médecine. Notre entreprise reste fidèle à son histoire et à son identité. Lorsqu’au début des années 90, Josiane Szmirer, forte de vingt ans d'expérience dans le monde de la diététique et des produits naturels a fondé Boutique Nature, elle avait fixé un cap clair à l’entreprise : Il s’agissait de concevoir une gamme complète de produits à base de plantes, mais en recourant aux méthodes scientifiques les plus rigoureuses qui soient.
La phytothérapie a-t-elle encore un lien quelconque avec la "tradition", souvent mise en avant dans ce métier ?
A rebours de certains clichés véhiculés sur la filière des produits naturels, nous récusons toute approche rétrograde de notre métier et toute attitude passéiste. L'équipe de Boutique Nature et de ses partenaires fabricants est constituée d’experts en nutrithérapie et en produits naturels. Son "noyau humain", notamment, est constitué d’une pharmacienne et d’une diététicienne diplômées et d’ingénieurs agroalimentaires passionnés de nutrithérapie. Ils mobilisent, c'est vrai, des connaissances séculaires en matière de d'agronomie et de botanique, mais sans pour autant faire l'économie des résultats les plus avancés de la recherche en pharmacologie et en phytochimie. Je veux souligner par là que notre entreprise se sent parfaitement à l’aise dans le dialogue fructueux qu’elle entretient avec les représentants des professions médicales.
Comment cette proximité avec le monde de la santé se traduit-elle concrètement?
Travailler dans le domaine du bien être est une vraie responsabilité. Nous devons être très exigeant et être toujours une quête d’excellence en portant une grande attention au quotidien. Par exemple, nos matières premières sont sélectionnées de manière extrêmement rigoureuse, et la réalisation de nos gammes a été confiée exclusivement à des laboratoires basés notamment en France ou en Belgique, répondant à des normes pharmaceutiques. Dans les métiers attenants à la santé, il est primordial d'assurer ainsi la sécurité et la traçabilité de chacun des lots de fabrication.
La différence avec les métiers de la santé, tels qu'on les conçoit généralement, c'est qu'il n'y a en l'occurrence aucune intermédiation entre le "patient" et le distributeur... N'y a-t-il pas un risque de dérive en matière de médication?
Justement, c'est ce qui est en train de changer. Non seulement la phytothérapie ne correspond pas - ou plus - à cette "automédication" tant décriée, et les "obscurantistes" qui prêtaient des qualités mystiques à leurs produits ont été évincés du marché. La santé est une chose trop sérieuse pour leur laisser la moindre place, et la phytothérapie n'est pas non plus la solution à tout. Elle concourt à un équilibre. D'autre part, et plus que dans tout autre domaine d'activité, nous avons un devoir d'information accru vis-à-vis du consommateur, mais aussi vis-à-vis des détaillants qui distribuent nos produits et se positionnent donc comme des prescripteurs. Ils sont au contact direct de la clientèle, et sont très régulièrement sollicités quant au complément le plus efficace pour pallier aux petits maux du quotidien, ou à l'équilibre alimentaire général. Or, tous les détaillants n'ont pas forcément une solide formation en pharmacognosie, raison pour laquelle ils sont demandeurs eux-mêmes pour être formés.
Qu'entendez-vous par "politique d'information"?
Concrètement, nous avons jugé qu'il est de notre responsabilité d'organiser des visites pédagogiques d'experts auprès des points de vente. C'est une sorte de transfert de connaissances vers le détaillant, au profit du client final qui s'en trouve in fine mieux conseillé dans ses choix. D'ailleurs, nous entreprenons la même initiative envers nos fournisseurs, afin de les sensibiliser aux exigences auxquelles nous sommes confrontés en matière de phytochimie, ou pour échanger avec eux de précieuses données en agronomie, en pharmacologie et sur la question de la réglementation qui évolue rapidement et que nous devons appliquer ensemble... De la sorte, ils améliorent la qualité de leurs process de production très en amont. De notre côté, nous bénéficions de matières premières répondant à un standard de qualité élevé. En fait, nous sommes en train de structurer une véritable "chaîne de l'information" dans la filière naturelle, qui fait défaut jusqu'alors. Aujourd'hui, l'information circule, entre l'amont jusqu'à l'aval de la filière! C'est un bel exemple de professionnalisation et d'auto-organisation d'une filière. Tout le monde y gagne, en fin de compte.
Vous avez le sentiment qu’aujourd’hui les produits naturels restent réservés à une minorité ?
Mais c’est malheureusement le cas ! Et cela s’explique par une raison simple : les produits naturels restent encore très mal connus du plus grand nombre. La plupart des gens se trouvent bien démunis quand il s’agit de choisir la plante ou le produit adapté. La mission que nous nous sommes donnée, avec nos partenaires de la filière, consiste justement à les guider de façon pédagogique. Cela passe notamment par le soin particulier que nous apportons au conditionnement de nos produits. Nous voulons que nos emballages servent de support à une information à la fois complète, accessible et parfaitement transparente des utilisateurs. Ainsi, chaque étiquette présente le nom du produit, dans la mesure du possible sa promesse, sa composition, des conseils d’utilisation, etc. Dans un marché caractérisé par une profusion de conditionnements, de dosages, de présentations, nous sommes convaincus que cette démarche permettra au plus grand nombre de faire des choix en toute confiance.
L’autre verrou à faire sauter n’est-il pas celui de la diffusion ?
Oui, il est fondamental d’améliorer la diffusion des produits naturels dans notre pays. Actuellement l’essentiel des produits de la gamme Boutique Nature est diffusé par un réseau de 2500 boutiques indépendantes spécialisées dans les produits naturels et bio et par quelques chaînes comme Biocoop ou La Vie Claire. Mais il est possible d’aller plus loin. Je remarque ainsi que les pharmaciens sont de plus en plus intéressés par les produits de confort et de bien-être. C’est extrêmement intéressant car les pharmaciens sont parfaitement qualifiés pour offrir aux clients l’accompagnement et les conseils personnalisés qu’ils sont en droit d'attendre. Et cela témoigne par ailleurs du vif regain d'intérêt des professionnels de la santé envers la phytothérapie.
Vous aimez rappeler que Boutique Nature est une entreprise performante. Cela peut être déroutant, compte tenu de l'image qu'on a traditionnellement du secteur...
Je n’y vois aucune contradiction, bien au contraire ! Je suis persuadé que les aspirations de nos contemporains à une vie plus saine, plus naturelle, plus équilibrée ne pourront être satisfaites que par l’engagement, la spécialisation et l'expertise des entreprises. Ainsi, je m’inscris en faux contre ceux qui pensent qu’en se professionnalisant, la filière des produits naturels et bio perd son âme. En réalité, c’est le contraire qui est vrai. En se professionnalisant, elle va se mettre en capacité de répondre à une demande sans cesse croissante, elle va diffuser plus largement des gammes de produits bénéfiques jusqu’ici connus uniquement d’une minorité mieux informée que la moyenne de la population. Je ne vois pas en quoi cette volonté de démocratisation, de professionnalisation et de transparence serait critiquable!
Il n’en reste pas moins que la filière des produits naturels et des cosmétiques biologiques suscite un intérêt croissant de la part des investisseurs et du monde de la finance. Ne craignez-vous pas une dénaturation des valeurs qui animent le secteur?
En réalité, toutes les entreprises qui – comme Boutique Nature – prônent des façons de vivre et de consommer plus équilibrées, plus naturelles et plus responsables suscitent un intérêt croissant de la part des consommateurs et aussi des investisseurs. Et c’est là une excellente nouvelle ! Car pour répondre aux objectifs de développement durable, les entreprises ont évidemment besoin de moyens, fut-ce pour financer leurs travaux de recherche et de développement. A ceux qui opposent encore entreprise, finance et développement durable, je conseille la lecture de l’enquête que la journaliste Dominique Nora, a consacrée aux « pionniers de l’or vert » qui donnent actuellement un nouvel élan à la Silicon Valley (1). Elle y décrit une nouvelle génération d’ingénieurs, d’entrepreneurs, et d’investisseurs bien décidés à concevoir et mettre sur le marché des technologies propres et de nouveaux produits plus respectueux des équilibres naturels. Ne soyons pas obtus : si l’entreprise est parfois le problème, elle peut aussi être la solution. Et il ne faut évidemment pas se désoler que ces entreprises soient rentables et qu’elles fassent des profits. La rentabilité prouve en effet le succès des solutions plus écologiques et naturelles. Et c’est elle qui garantira la pérennité des produits naturels et bio. Donc, oui, je le dis sans fausse pudeur : j’entends faire en sorte que Boutique Nature, à l’instar d’autres grands acteurs de bio et naturels, soit une entreprise performante et qu’elle inspire ainsi de nouvelles vocations.
[1] Les pionniers de l’or vert, par Dominique Nora, Editions Grasset, octobre 2009, 360 p.
[1] Les pionniers de l’or vert, par Dominique Nora, Editions Grasset, octobre 2009, 360 p.