Energie : le numérique consomme de plus en plus

Paolo Garoscio
09/10/2024


L’Arcom, l’Arcep et l’ADEME ont dévoilé une étude sur l’impact environnemental des usages audiovisuels en octobre 2024, et force est de constater que les entreprises de ce secteur se retrouvent confrontées à des défis stratégiques complexes. La consommation énergétique croissante des services de streaming, conjuguée à la demande de durabilité de la part des consommateurs et des régulateurs, impose une révision des modèles économiques.



Un modèle économique face à des contradictions

Les géants du streaming comme Netflix et Spotify, ainsi que les opérateurs télécoms, se retrouvent au cœur d’une équation difficile à résoudre. Leurs revenus dépendent en grande partie de l’engagement prolongé des utilisateurs sur leurs plateformes. Ce business model se traduit par une augmentation continue du temps passé sur ces services, ce qui alourdit mécaniquement leur empreinte carbone. Par exemple, le streaming vidéo via réseaux mobiles consomme bien plus d’énergie que la télévision classique, et cela pose un dilemme stratégique : comment continuer à attirer les utilisateurs tout en limitant la consommation énergétique ?

Le rapport de l’Arcom dévoile en outre le fait que les terminaux de consommation, qu’il s’agisse de téléviseurs, de smartphones ou de tablettes, restent le principal levier de consommation d’énergie. Les entreprises du secteur doivent ainsi se poser la question de leur rôle dans la conception et la promotion de terminaux plus efficaces sur le plan énergétique. "Les usages audiovisuels étudiés représentent 2,9 % de la consommation électrique de la France, soit 13 TWh, et 0,9 % de son empreinte carbone. L’empreinte carbone des usages audiovisuels représente en effet 5,6 millions de tonnes équivalent CO2 soit environ un tiers de l’empreinte carbone du numérique calculée dans l’étude Arcep-ADEME en France", détaille en effet l'étude

Vers une stratégie de sobriété numérique

L’étude projette que, sans changement, l’empreinte carbone de l’audiovisuel pourrait augmenter de 30 % d'ici 2030. Cependant, elle présente également des scénarios où une meilleure gestion de la consommation énergétique, via des mesures d'écoconception et de sobriété, pourrait inverser cette tendance. Pour ce faire, il faudra explorer des pistes nouvelles pour réduire l’impact écologique des activités des entreprises, sans compromettre leur rentabilité.

Le premier axe de réflexion réside dans l’amélioration de l'efficacité énergétique des services eux-mêmes. Il s'agit, par exemple, de réduire le poids des contenus diffusés, d'optimiser les algorithmes de compression, et de mieux gérer les infrastructures de streaming. Certains acteurs comme YouTube ou Spotify pourraient ainsi limiter l’usage de la lecture automatique et du défilement infini, réduisant ainsi le temps de visionnage passif.

Ensuite, la question de la durabilité des terminaux est au cœur de la stratégie des entreprises du numérique. Les régulateurs appellent à la promotion d’une meilleure longévité des équipements. Les constructeurs de téléviseurs et de smartphones doivent trouver des solutions pour que ces appareils soient à la fois plus durables et performants, tout en continuant à stimuler le cycle de renouvellement des achats. Des initiatives comme l’introduction de labels de durabilité ou la mise en place de programmes de recyclage des anciens terminaux sont des pistes pour transformer cette contrainte en avantage concurrentiel.