Devoir de vigilance : première condamnation pour La Poste

Jean-Baptiste Giraud
13/12/2023


La récente condamnation de La Poste par le tribunal judiciaire de Paris marque un tournant dans l'application de la loi sur le devoir de vigilance des entreprises. Ce jugement, faisant suite à une assignation par le syndicat Sud PTT, souligne l'importance de la responsabilité des entreprises en matière de sous-traitance et de respect des droits humains et environnementaux.



La Poste sommée de mieux évaluer ses sous-traitants

Le 5 décembre 2023, La Poste a été reconnue coupable de manquements dans l'application de la loi de 2017 sur le devoir de vigilance. Le groupe, partiellement détenu par l'État, a été épinglé pour l'emploi de travailleurs sans papiers par des sous-traitants, notamment chez Chronopost d’Alfortville et DPD, une filiale de La Poste. Cette situation a été mise en lumière par le syndicat SUD-PTT, qui a alerté sur des pratiques illégales et dangereuses pour les droits des travailleurs.

Le tribunal a exigé de La Poste une amélioration significative de sa « cartographie des risques » et des dispositifs de suivi et d’alerte. Il a été constaté que la cartographie actuelle ne reflétait pas les risques liés au travail dissimulé, ce qui a mené à la décision de renforcer les procédures d’évaluation des sous-traitants. Cependant, certaines demandes de SUD-PTT, comme la publication de la liste des sous-traitants et des mesures de prévention du travail dissimulé, ont été rejetées.

La condamnation de La Poste, un signal fort pour les autres entreprises

Ce jugement est perçu comme un rappel à l'ordre pour les grandes entreprises, six ans après la création du devoir de vigilance. Il établit une forme de responsabilité nouvelle et souligne l'importance de la conformité aux normes de vigilance. Des experts, comme Hugo Mickeler de Novethic, voient dans cette décision un guide précieux pour les entreprises souhaitant revoir leur plan de vigilance.

La décision du tribunal a également une vocation pédagogique importante, comme le souligne Lucie Mongin-Archambeaud, avocate chez Osborne Clarke. Elle offre un cadre clair pour les entreprises sur la manière de respecter leurs obligations légales en matière de droits humains et environnementaux. La Poste, tout en prenant acte du jugement, regrette cependant l'absence de directives claires depuis l'adoption de la loi de 2017, soulignant une incertitude juridique persistante.