Photo : Ariane Fauchille
Lors de la conférence des parties sur le climat, le secrétaire de l’ONU Antonio GUTERRES donne le ton (1) : c’est une urgence absolue, la croisée des chemins, l’heure des choix d’une civilisation : deux options s’offrent aux 8 milliards d’humains, la solidarité ou le suicide collectif ! Et pourtant, nous nous sommes retrouvés avec une COP 27 plus que décevante où l’urgence attendra (2). En effet, il nous faut conserver nos lignes budgétaires en croissance à 2 chiffres, diront certains.
Après toutes les analyses, nous pensions avoir le niveau de maturité mondiale pour corriger les courbes. Et pourtant les émissions de GES sont à la hausse depuis la période postCovid. Les experts, dont ceux du GIEC, en sont même arrivés à se poser la question de la désobéissance citoyenne pour faire bouger les lignes. Désespoir, quand tu nous tiens.
Qu’est-ce qui ne tourne pas rond dans ce bas monde ? La peur d’actions liberticides ? Si l’argent commande, y’en a-t-il assez pour changer finalement ? Comment aller tête baissée dans une récession ? Comment renoncer de son plein gré ?
2023 sera l’année des dernières actions concrètes, faute de quoi, nous risquons fort de vivre un futur subit et non maitrisé.
Avec les « écolos », je vais devoir rester chez moi…
Il est un droit fondamental qui est condamné, selon certains, dans un monde bas carbone, celui de la liberté de mouvement. Depuis des dizaines d’années, les lanceurs d’alertes qui évoquent un besoin vital de baisser nos émissions de GES se retrouvent avec l’étiquette de « Liberticide » (3). Comment accepter de se passer des résultats de tant d’années de luttes, d’innovations technologiques, de création de richesses ?
Devant cette question digne d’un sujet de bac philo, l’actualité nous rattrape (malheureusement) et nous pose une autre question : quel sera notre niveau de liberté de mouvement dans un monde à plus de 40 °C, et ce plusieurs dizaines de jours, de mois par an ?
Souvenez-vous de ce fameux lundi de juillet 2022 où la quasi-totalité de l’hexagone a passé la barre de 40 °C. Qui a pu profiter de sa journée dehors, bouger aisément ou même travailler dans de bonnes conditions ? N’est-ce pas cette situation qui est liberticide ? Rester enfermé dans une pièce avec la climatisation, pour les plus chanceux, est-ce cela la vraie liberté ?
Le budget du changement
Si tout est une question d’action et de budget, de combien de millions, milliards a-t-on besoin pour changer notre futur ?
La réponse a été au cœur des débats de la conférence d’Addis-Abeba de 2015 en Éthiopie, et la facture est salée ! 2 500 Milliards €. (4)
Une somme faramineuse me diriez-vous ? Je vous rappellerai bien ici qu’en développement durable, l’inaction coûte plus cher que l’action, mais c’est sur un autre chiffre que l’effet miroir peut nous éclairer.
Le juge Renaud VAN RUYBEQUE (5) spécialiste international de l’évasion fiscale a dernièrement estimé que le cumul mondial de cette fuite monétaire est de l’ordre de 30 000 milliards. De quoi sauver plusieurs planètes semble-t-il.
Le passage à l’action semble donc accessible aux hommes et femmes disposant des capitaux, encore faut-il pouvoir les partager pour le bien commun.
La maîtrise avant la dérive
Concernant le partage, de récents travaux sur les systèmes économiques nous guident sur de nouvelles pistes chiffrées. Timothée PARRIQUE docteur en sciences économiques, nous pousse à la réflexion sur le lien entre le partage des richesses dans un monde en récession ou en décroissance choisie et le niveau social d’une population.
Petit rappel : une récession est un accident économique, imprévu, subi, incontrôlé régressif, insoutenable financièrement.
La décroissance est quant à elle anticipée, voulue, planifiée démocratiquement, redistributive et soutenable financièrement.
Dans ces travaux, nous sommes mis devant un chiffre clé surprenant : nous pourrions « encaisser » une décroissance de 44 % du PIB français (6) sans crise sociale majeure, dans un contexte de meilleure redistribution des richesses. Force est de constater que ce n’est pas pour tout de suite (même si Noël est proche), mais la réflexion mériterait d’être partagée à la table des négociations d’un monde plus juste, plus soutenable.
Renoncer est un art
Si tout est possible en termes de moyen, qu’est-ce qui nous bloque dans notre saut sur l’arbre d’en face ?
Accumulation, addiction, comportements compulsifs… Encore mon striatum (7) me direz-vous ? Nous sommes bel et bien devant le constat d’un absolu besoin de frugalité, sobriété, qui passera par le renoncement.
Renoncer aux vacances à 20 h d’avion ? Renoncer à la 28e chemise en solde ? Renoncer à cette côte de bœuf hebdomadaire ? Telles seront les questions à nous poser si vous souhaitons atteindre le cap des 2 T de CO2 par an, par habitant en France, au lieu de 10 actuellement.
« Renoncer est un art ! » nous crie haut et fort Diego LANDIVAR (8), docteur en sciences économiques. Il pose de la façon la plus pragmatique possible, les bases d’une série de questions qui peuvent sembler ridicules, voire dangereuses, mais d’une évidence vitale au regard des enjeux planétaires.
Dans les plus belles propositions de transformations sociétales, il serait indispensable pour toute création d’entreprise, de projet économique, technologique de passer non pas devant un parterre de financiers validant le ROI à court terme, mais devant des experts regardant la pertinence des projets à travers les grilles des limites planétaires. Évident vous dit on…
« Renoncer est un art » Soyons en fiers.
La RSE, les ODD, les solutions technologiques et sociétales sont à notre disposition. Agissons, agissons ensemble, agissons maintenant…
Sébastien BOLLE
Président de RESO2D
Cet article a été fortement inspiré des échanges captés lors du Grand Défi des entreprises pour le climat, pour en savoir plus : www.legranddefi.org https://boutique.liberation.fr/products/cop-27-lurgence-attendra-21-novembre-2022 https://www.huffingtonpost.fr/environnement/article/cop27-pour-antonio-guterres-l-humanite-doit-choisir-entre-solidarite-et-suicide-collectif_209930.html https://reporterre.net/Liberticide-l-ecologie-le-vrai-debat-est-ailleurs https://www.novethic.fr/actualite/environnement/climat/isr-rse/adaptation-au-changement-climatique-deception-apres-le-sommet-d-addis-abeba-sur-l-aide-au-developpement-143487.html https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20221112-evasion-fiscale-l-appel-de-l-ancien-juge-renaud-van-ruymbeke-%C3%A0-changer-les-r%C3%A8gles-du-jeu https://youtu.be/pu1r_Qp_OGc https://www.rse-magazine.com/Climat-biodiversite-C-est-pas-moi-c-est-mon-striatum-_a3846.html https://www.youtube.com/watch?v=DFyA2iqKnT8&ab_channel=LeGrandD%C3%A9fi
Après toutes les analyses, nous pensions avoir le niveau de maturité mondiale pour corriger les courbes. Et pourtant les émissions de GES sont à la hausse depuis la période postCovid. Les experts, dont ceux du GIEC, en sont même arrivés à se poser la question de la désobéissance citoyenne pour faire bouger les lignes. Désespoir, quand tu nous tiens.
Qu’est-ce qui ne tourne pas rond dans ce bas monde ? La peur d’actions liberticides ? Si l’argent commande, y’en a-t-il assez pour changer finalement ? Comment aller tête baissée dans une récession ? Comment renoncer de son plein gré ?
2023 sera l’année des dernières actions concrètes, faute de quoi, nous risquons fort de vivre un futur subit et non maitrisé.
Avec les « écolos », je vais devoir rester chez moi…
Il est un droit fondamental qui est condamné, selon certains, dans un monde bas carbone, celui de la liberté de mouvement. Depuis des dizaines d’années, les lanceurs d’alertes qui évoquent un besoin vital de baisser nos émissions de GES se retrouvent avec l’étiquette de « Liberticide » (3). Comment accepter de se passer des résultats de tant d’années de luttes, d’innovations technologiques, de création de richesses ?
Devant cette question digne d’un sujet de bac philo, l’actualité nous rattrape (malheureusement) et nous pose une autre question : quel sera notre niveau de liberté de mouvement dans un monde à plus de 40 °C, et ce plusieurs dizaines de jours, de mois par an ?
Souvenez-vous de ce fameux lundi de juillet 2022 où la quasi-totalité de l’hexagone a passé la barre de 40 °C. Qui a pu profiter de sa journée dehors, bouger aisément ou même travailler dans de bonnes conditions ? N’est-ce pas cette situation qui est liberticide ? Rester enfermé dans une pièce avec la climatisation, pour les plus chanceux, est-ce cela la vraie liberté ?
Le budget du changement
Si tout est une question d’action et de budget, de combien de millions, milliards a-t-on besoin pour changer notre futur ?
La réponse a été au cœur des débats de la conférence d’Addis-Abeba de 2015 en Éthiopie, et la facture est salée ! 2 500 Milliards €. (4)
Une somme faramineuse me diriez-vous ? Je vous rappellerai bien ici qu’en développement durable, l’inaction coûte plus cher que l’action, mais c’est sur un autre chiffre que l’effet miroir peut nous éclairer.
Le juge Renaud VAN RUYBEQUE (5) spécialiste international de l’évasion fiscale a dernièrement estimé que le cumul mondial de cette fuite monétaire est de l’ordre de 30 000 milliards. De quoi sauver plusieurs planètes semble-t-il.
Le passage à l’action semble donc accessible aux hommes et femmes disposant des capitaux, encore faut-il pouvoir les partager pour le bien commun.
La maîtrise avant la dérive
Concernant le partage, de récents travaux sur les systèmes économiques nous guident sur de nouvelles pistes chiffrées. Timothée PARRIQUE docteur en sciences économiques, nous pousse à la réflexion sur le lien entre le partage des richesses dans un monde en récession ou en décroissance choisie et le niveau social d’une population.
Petit rappel : une récession est un accident économique, imprévu, subi, incontrôlé régressif, insoutenable financièrement.
La décroissance est quant à elle anticipée, voulue, planifiée démocratiquement, redistributive et soutenable financièrement.
Dans ces travaux, nous sommes mis devant un chiffre clé surprenant : nous pourrions « encaisser » une décroissance de 44 % du PIB français (6) sans crise sociale majeure, dans un contexte de meilleure redistribution des richesses. Force est de constater que ce n’est pas pour tout de suite (même si Noël est proche), mais la réflexion mériterait d’être partagée à la table des négociations d’un monde plus juste, plus soutenable.
Renoncer est un art
Si tout est possible en termes de moyen, qu’est-ce qui nous bloque dans notre saut sur l’arbre d’en face ?
Accumulation, addiction, comportements compulsifs… Encore mon striatum (7) me direz-vous ? Nous sommes bel et bien devant le constat d’un absolu besoin de frugalité, sobriété, qui passera par le renoncement.
Renoncer aux vacances à 20 h d’avion ? Renoncer à la 28e chemise en solde ? Renoncer à cette côte de bœuf hebdomadaire ? Telles seront les questions à nous poser si vous souhaitons atteindre le cap des 2 T de CO2 par an, par habitant en France, au lieu de 10 actuellement.
« Renoncer est un art ! » nous crie haut et fort Diego LANDIVAR (8), docteur en sciences économiques. Il pose de la façon la plus pragmatique possible, les bases d’une série de questions qui peuvent sembler ridicules, voire dangereuses, mais d’une évidence vitale au regard des enjeux planétaires.
Dans les plus belles propositions de transformations sociétales, il serait indispensable pour toute création d’entreprise, de projet économique, technologique de passer non pas devant un parterre de financiers validant le ROI à court terme, mais devant des experts regardant la pertinence des projets à travers les grilles des limites planétaires. Évident vous dit on…
« Renoncer est un art » Soyons en fiers.
La RSE, les ODD, les solutions technologiques et sociétales sont à notre disposition. Agissons, agissons ensemble, agissons maintenant…
Sébastien BOLLE
Président de RESO2D
Cet article a été fortement inspiré des échanges captés lors du Grand Défi des entreprises pour le climat, pour en savoir plus : www.legranddefi.org https://boutique.liberation.fr/products/cop-27-lurgence-attendra-21-novembre-2022 https://www.huffingtonpost.fr/environnement/article/cop27-pour-antonio-guterres-l-humanite-doit-choisir-entre-solidarite-et-suicide-collectif_209930.html https://reporterre.net/Liberticide-l-ecologie-le-vrai-debat-est-ailleurs https://www.novethic.fr/actualite/environnement/climat/isr-rse/adaptation-au-changement-climatique-deception-apres-le-sommet-d-addis-abeba-sur-l-aide-au-developpement-143487.html https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20221112-evasion-fiscale-l-appel-de-l-ancien-juge-renaud-van-ruymbeke-%C3%A0-changer-les-r%C3%A8gles-du-jeu https://youtu.be/pu1r_Qp_OGc https://www.rse-magazine.com/Climat-biodiversite-C-est-pas-moi-c-est-mon-striatum-_a3846.html https://www.youtube.com/watch?v=DFyA2iqKnT8&ab_channel=LeGrandD%C3%A9fi